Le Troisième Reich, T1
susciter un conflit
avec l'Allemagne sans raisons apparentes...
Pour conclure, Staline formula deux principes directeurs :
I. Continuer de poursuivre une politique
de paix et de consolidation économique avec tous les pays.
II. ... empêcher notre pays de se laisser
entraîner dans un conflit par des bellicistes dont l'habitude est de laisser
les autres tirer pour eux les marrons du feu (31).
De la part de l'homme qui prenait en Russie toutes les
décisions, c'était un net avertissement que l'Union Soviétique n'avait aucune
intention de se laisser entraîner dans une guerre contre l'Allemagne nazie pour
épargner la Grande-Bretagne et la France; et, s'il ne fut pas relevé à Londres,
Berlin tout au moins en prit note [171] .
Et pourtant, si l'on considère le discours de Staline et les
divers échanges diplomatiques qui se produisirent peu après, il est évident que
la politique étrangère soviétique, tout en étant d'une extrême prudence, était
loin d'être fixée. Trois jours après que les nazis eurent occupé la Tchécoslovaquie,
le 15 mars, le gouvernement soviétique proposait, comme nous l'avons vu, une
conférence à six pour discuter des moyens de prévenir une nouvelle agression,
suggestion que Chamberlain repoussa comme étant « prématurée [172] ». Ceci se passait le 18 mars. Deux jours plus tard, dans un communiqué
officiel publié à Moscou et que l'ambassadeur d'Allemagne s'empressa de
télégraphier à Berlin, la Russie nia qu'elle eût offert son assistance à la
Pologne et à la Roumanie « dans l'éventualité où celles-ci seraient victimes
d'une agression ». Motif : « Ni la Pologne ni la Roumanie n'avaient pressenti
le gouvernement soviétique pour lui demander son aide, pas plus qu'elles ne
l'avaient informé d'un danger les menaçant (34). »
La garantie unilatérale du 31 mars accordée à la Pologne par le
gouvernement britannique avait peut-être contribué à convaincre Staline que la
Grande-Bretagne préférait s'allier aux Polonais plutôt qu'aux Russes et que,
comme à l'époque de Munich, Chamberlain était bien décidé à maintenir l'Union Soviétique
en dehors du concert des puissances européennes (35).
Dans cette situation, les Allemands et les Italiens commencèrent
d'entrevoir certaines possibilités. Gœring, qui exerçait une influence
grandissante sur Hitler en matière de politique étrangère, avait rencontré
Mussolini à Rome le 16 avril et avait attiré l'attention du Duce sur le dernier
discours de Staline au Congrès du Parti communiste. Il avait été très frappé
par la déclaration du dictateur soviétique selon laquelle « les Russes ne consentiraient
jamais à servir de chair à canon aux puissances capitalistes ».
Il déclara qu' « il demanderait au Führer s'il
n'était pas possible de lancer un prudent ballon d'essai... en vue d'un
rapprochement ». Et il rappela à Mussolini qu' « il n'avait absolument pas été
fait mention de la Russie dans les derniers discours du Führer ».
Le Duce, d'après le procès-verbal confidentiel de cette rencontre, accueillit
favorablement l'idée d'un rapprochement des puissances de l'Axe avec
l'Union Soviétique. Le dictateur italien avait lui aussi perçu un changement à
Moscou; il jugeait donc qu'un rapprochement pourrait s'effectuer avec une
facilité relative.
Ce qu'il faudrait, dit Mussolini, ce serait persuader la
Russie de réagir défavorablement et sans empressement aucun aux efforts
britanniques d'encerclement, dans l'esprit du discours de Staline... De plus,
dans leur lutte idéologique contre la ploutocratie et le capitalisme, les
Puissances de l'Axe ont, dans une certaine mesure, les mêmes objectifs que le
régime russe (36).
C'était là un tournant radical dans la politique de l'Axe, dont
Chamberlain eût été sûrement bien surpris s'il avait été au courant. Peut-être
Litvinov en aurait-il été lui aussi fort étonné.
Le jour même de cette discussion entre Gœring et Mussolini — le
16 avril — le commissaire soviétique aux Affaires étrangères recevait
l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Moscou pour lui proposer officiellement un
triple pacte d'assistance mutuelle entre la Grande-Bretagne, la France et
l'Union Soviétique. Ce pacte, pour être effectif, exigeait une convention
militaire entre les trois puissances et l'octroi par les signataires (auxquels
pouvait, si elle le désirait, se joindre la Pologne) d'une garantie à toutes
les nations d'Europe
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