Le Troisième Reich, T1
Roosevelt a-t-il
constaté quelles sont les nations qui se sentent menacées par la politique
allemande, et lesquelles?
M. Roosevelt se trouve-t-il en état, malgré l'immense
travail qui doit certainement peser sur ses épaules aussi, de connaître de
lui-même tous ces mouvements psychiques et intellectuels qui agitent
intérieurement les autres peuples et leurs gouvernements.
M. Roosevelt désire enfin que je sois prêt à lui donner
l'assurance que les forces militaires allemandes n'attaqueront pas le
territoire ou les possessions des nations indépendantes ci-après...
Et Hitler procéda alors à la lente énumération des États. A
mesure qu'il en entonnait les noms, le rire, je m'en souviens, s'enflait dans
les travées du Reichstag. Aucun représentant, personne à Berlin semble-t-il, y
compris l'auteur lui-même, ne s'aperçut qu'il avait perfidement omis de citer
la Pologne.
Puis Hitler sortit son gros atout, ou du moins se le
figura-t-il.
Je me suis tout d'abord donné la peine de me renseigner
auprès des États énumérés afin de savoir : d'abord, s'ils se sentent menacés et
ensuite, surtout, si cette question que nous adresse M. Roosevelt avait été
posée à leur suggestion ou tout au moins avec leur consentement.
La réponse a été « non » sur toute la ligne... D'ailleurs
il ne m'a pas été possible de communiquer cette demande à tous les Etats et
nations mentionnés parce qu'ils ne disposent pas actuellement de leur liberté —
c'est le cas de la Syrie par exemple — mais sont occupés militairement par les
États démocratiques, et privés ainsi de tous leurs droits.
Mais en outre, tous les États limitrophes de l'Allemagne
ont reçu du Reich des assurances beaucoup plus précises... que M. Roosevelt ne
m'en demande dans son étrange télégramme.
Je dois encore attirer l'attention de M. Roosevelt sur
quelques erreurs historiques. Il cite entre autres, par exemple, l'Irlande et
me prie de déclarer que l'Allemagne n'attaquera pas l'Irlande. Or, je viens de
lire un discours du Taoiseach [170] irlandais, M. de Valera, dans lequel celui-ci, chose curieuse, en contradiction
avec l'opinion de M. Roosevelt, n'accuse pas l'Allemagne d'opprimer l'Irlande,
mais reproche à l'Angleterre que l'Irlande ait à souffrir de l'agression
constante de ce dernier Etat.
De même, M. Roosevelt ne s'est manifestement pas aperçu du
fait que la Palestine n'est pas actuellement occupée par les troupes
allemandes, mais par les Anglais, et qu'elle voit sa liberté réduite par le
plus brutal abus de la force.
Néanmoins, déclara Hitler, il était prêt à « donner à chacun des
États individuellement nommés une assurance de l'ordre de celle souhaitée par
M. Roosevelt ». Et plus encore! Ici son regard s'alluma :
Je ne voudrais pas laisser passer l'occasion sans donner
avant tout au président des États-Unis une assurance concernant les territoires
qui — je le présume — feront le premier objet de ses soucis, notamment les
Etats-Unis eux-mêmes et les autres Etats du continent américain. Je déclare ici
solennellement que toutes les allégations répandues d'une façon quelconque au
sujet d'une attaque ou d'une intervention projetée par l'Allemagne contre ou
dans un territoire américain ne sont que lourde imposture ou grossiers
mensonges. Sans compter que toutes ces allégations ne peuvent d'ailleurs, du
point de vue militaire, que sortir de l'imagination d'un fou.
Le Reichstag éclata d'un rire homérique. Hitler n'esquissa pas
un sourire, conservant, d'une manière impressionnante, son expression
solennelle.
Vint alors la péroraison — la plus éloquente à des oreilles
allemandes qu'il ait, je crois, jamais faite.
Monsieur Roosevelt, je comprends très bien que la grande
étendue de votre empire et l'immense richesse de votre pays vous permettent de
vous sentir responsable de l'histoire du monde entier et du sort de tous les
peuples. Moi, monsieur Roosevelt, je suis placé dans un cadre beaucoup plus
modeste... J'ai autrefois assumé la direction d'un Etat qui, par suite de sa
confiance dans les assurances du reste du monde ainsi que de la mauvaise
gestion de gouvernements démocratiques, se trouvait au bord d'une ruine
totale... J'ai surmonté le chaos qui régnait en Allemagne, j'ai rétabli
l'ordre, j'ai énormément accru la production... développé la circulation,
ordonné la construction de routes; j'ai fait creuser des canaux, édifier de
gigantesques usines et me suis
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