Le Troisième Reich, T1
entraînerait, entre
autres choses, un quatrième partage de la Pologne. Deux jours plus tard,
l'ambassadeur expédiait à Paris un nouveau télégramme relatant que le bruit
courait désormais à Berlin « que l'Allemagne avait fait ou allait faire à la
Russie des propositions tendant à un partage de la Pologne (42) ».
LE PACTE D’ACIER
Malgré la piètre opinion où les feuilles de chêne de la Wehrmacht tenaient la puissance militaire italienne, Hitler
réclamait maintenant cette alliance militaire avec l'Italie que Mussolini ne
s'était jamais pressé de conclure. Les conversations entre les deux hauts
commandements débutèrent en avril, et Keitel fit part à l'O.K.W. de l' «
impression » défavorable qu'il avait retirée de l'état des forces combattantes
et du réarmement italiens. La guerre, selon lui, devrait être décidée vite, ou
bien les Italiens s'abstiendraient d'y participer (43).
Vers la mi-avril, ainsi qu'en témoigne son journal (44), Ciano
se prit d'inquiétude devant la multiplication des indices que l'Allemagne était
susceptible d'attaquer la Pologne d'un moment à l'autre et de précipiter une
guerre européenne pour laquelle l'Italie n'était pas préparée. Lorsque, le 20
avril, Attolico, l'ambassadeur d'Italie à Berlin, télégraphia que
l'intervention de l'Allemagne en Pologne était imminente, Ciano lui enjoignit d'avancer
la date de l'entrevue qu'il devait avoir avec Ribbentrop, afin que l'Italie ne
soit pas prise au dépourvu.
Les deux ministres des Affaires étrangères se rencontrèrent à Milán le 6 mai. Ciano était porteur d'instructions écrites
de Mussolini, lui recommandant de bien souligner aux Allemands que les Italiens
étaient soucieux d'éviter la guerre au moins trois ans encore. A sa grande
surprise, Ribbentrop acquiesça et déclara que l'Allemagne, elle aussi, désirait
maintenir la paix pendant ce laps de temps. En fait, Ciano trouva « pour la
première fois » le ministre des Affaires étrangères allemand « dans une
agréable détente nerveuse ». Ils passèrent en revue la situation en Europe,
tombèrent d'accord sur l'amélioration des relations de l'Axe avec l'Union
Soviétique et levèrent la séance pour assister à un dîner de gala.
Lorsque, après le dîner, Mussolini téléphona pour savoir comment
s'étaient passés les entretiens et que Ciano répondit que tout avait bien
marché, le Duce eut une brusque inspiration. Il pria son gendre de faire
annoncer que l'Allemagne et l'Italie avaient décidé de conclure une alliance
militaire. Ribbentrop commença par hésiter. Puis il finit par consentir à
soumettre la question à Hitler, et le Führer, pressenti
par téléphone, s'empressa de se rallier à la suggestion de Mussolini (45).
Ainsi, obéissant à une impulsion brusque, après plus d'un an
d'hésitation Mussolini lia-t-il irrévocablement son sort à celui d'Hitler.
C'était l'un des premiers signes que le dictateur italien, comme son collègue
allemand, commençait de perdre ce magnifique sang-froid qui, jusqu'à cette
année de 1939, leur avait permis de servir les intérêts de leurs pays
respectifs avec une froide lucidité. Les conséquences ne devaient pas tarder à
s'en avérer désastreuses pour Mussolini.
Le « Pacte d'Acier », comme on le dénomma, fut dûment signé avec
toute la pompe désirable, à la Chancellerie du Reich à Berlin, le 22 mai. Ciano
avait conféré à Ribbentrop le Collier de l'Annonciade, geste qui non seulement
irrita Gœring, mais, ainsi que le constata le ministre des Affaires étrangères
italien, lui fit même monter les larmes aux yeux. En fait, le gros
feld-maréchal avait fait une véritable scène, disant que c'était à lui que
revenait ce collier, parce qu'il était le véritable promoteur de l'alliance.
« J'ai promis à Mackensen (l'ambassadeur d'Allemagne à Rome),
nota Ciano, que je ferais tous mes efforts pour que Gœring puisse aussi le
recevoir. »
Ciano trouva Hitler « en bonne santé, très tranquille, moins
agressif » quoique un peu vieilli et avec des rides plus profondes sous les
yeux, sans doute par défaut de sommeil [174] .
Le Führer fit preuve d'excellente humeur en regardant
les deux ministres des Affaires étrangères apposer leur signature sur le
document.
C'était une alliance militaire nettement formulée et dont le
caractère agressif était souligné par une phrase du préambule qu'Hitler avait
tenu à insérer et qui déclarait que les deux nations « unies par
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