Le Troisième Reich, T1
conclusions du règlement de la question des Sudètes dont il avait été
exclu et qu'il pourrait bien se montrer « plus positif » à l'égard de
l'Allemagne.
Le diplomate préconisait fortement une collaboration économique
« plus large » entre les deux pays; il renouvela son appel, une semaine plus
tard, dans une seconde dépêche (27). Vers la fin d'octobre, l'ambassadeur
d'Allemagne à Moscou, Friedrich Werner comte von der Schulenburg, notifia au
ministère des Affaires étrangères allemand son « intention d'obtenir
prochainement une audience de Molotov, président du Presidium des Commissaires du Peuple, pour tenter de régler les questions qui
troublaient les relations germano-soviétiques (28) ». Étant donné l'hostilité
d'Hitler à l'égard de Moscou, ce n'est pas de lui-même que l'ambassadeur aurait
pu concevoir une telle intention. La suggestion devait en venir de Berlin.
On en peut trouver la preuve en consultant les archives secrètes
de la Wilhelmstrasse. Du point de vue allemand, la première chose à faire était
d'améliorer les échanges entre les deux pays. Un mémorandum du ministère des
Affaires étrangères en date du 4 novembre 1938 révèle que les services du
feld-maréchal Gœring demandaient instamment qu' « on essayât au moins de
ressusciter le commerce avec la Russie, notamment dans la mesure où il
s'agissait des matières premières russes (29) ». L'accord économique
germano-russe venait à expiration à la fin de l'année et les fichiers de la
Wilhelmstrasse sont remplis de documents montrant les vicissitudes que connurent
les négociations en vue de son renouvellement. Les deux parties entretenaient
une méfiance réciproque, tout en étant vaguement soumises à une attraction
mutuelle. Le 22 décembre, de longs entretiens avaient eu lieu à Moscou entre la
délégation économique russe et le roi des trublions dans sa spécialité, Julius
Schnurre.
Peu après le Nouvel An, l'ambassadeur des Soviets à Berlin,
Alexei Merekalov, effectua l'un de ses rares déplacements à la Wilhelmstrasse
afin d'« exprimer le désir où était l'Union Soviétique d'inaugurer une ère
nouvelle dans les relations économiques germano-soviétiques ». De prometteuses
conversations prirent place pendant quelques semaines, mais, dès le mois de
février 1939, elles furent bien près d'achopper, en apparence sur la question
de savoir si les principales négociations s'effectueraient à Moscou ou à
Berlin.
La véritable raison en fut révélée dans un mémorandum du
directeur du département économique de la Wilhelmstrasse en date du 11 mars
1939. Bien que l'Allemagne eût un besoin urgent de matières premières russes et
que Gœring ne cessât de réclamer qu'on s'en procurât, le Reich était purement
et simplement incapable de fournir à l'Union Soviétique les produits de
contrepartie. L'auteur de la note jugeait que la « rupture des négociations »
serait extrêmement regrettable en raison de la situation de l'Allemagne
concernant les matières premières (30).
Mais, si la première tentative de rapprochement économique
germano-russe avait présentement échoué, il y avait d'autres indices dans
l'air. Le 10 mars 1939, Staline prononçait un long discours lors de la première
session du dix-huitième Congrès du parti à Moscou. Trois jours plus tard, le
vigilant Schulenburg adressait à Berlin un long rapport. Il convenait,
disait-il, de noter que l'ironie et les critiques de Staline étaient beaucoup
plus acérées lorsqu'elles s'adressaient à la Grande-Bretagne que lorsqu'elles
avaient trait aux soi-disant États agresseurs et notamment à l'Allemagne.
Staline, soulignait l'ambassadeur, a déclaré que « la faiblesse
des puissances démocratiques... se traduit par le fait qu'elles ont abandonné
le principe de la sécurité collective pour se tourner vers une politique de
non-intervention et de neutralité. A la base de cette politique, il y a le
désir de détourner les États agresseurs vers d'autres victimes ». Et il citait
plus bas les accusations du dictateur soviétique contre les Alliés occidentaux
qui :
repoussaient les Allemands toujours davantage vers l'est,
en leur faisant miroiter une proie facile et en leur disant : « Vous n'avez
qu'à faire la guerre aux Bolchéviques, et tout le reste s'arrangera de soi-même.
Ce qui a tout d'un encouragement... On dirait que leur but... est de provoquer
la fureur de l'Union Soviétique contre l'Allemagne... et de
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