Le Troisième Reich, T1
situation avait surpris l'Italie ». L'Allemagne, se
plaignit-il, n'avait pas tenu son alliée au courant. « Au contraire, dit-il, le
ministre des Affaires étrangères du Reich a déclaré (à Milan, puis, en mai, à
Berlin) que la question de Dantzig serait réglée en temps utile. » Quand il en
vint à affirmer qu'un conflit avec la Pologne se généraliserait en guerre
européenne, son hôte l'interrompit pour exprimer une opinion toute différente.
« Personnellement, déclara Hitler, je suis absolument convaincu
qu'en dernier ressort les démocraties occidentales reculeront devant le
déclenchement d'une guerre générale. » A quoi Ciano répondit (ajoutent les
procès-verbaux allemands) qu'il espérait que les événements donneraient raison
au Führer, mais qu'il ne le croyait pas. Le ministre des Affaires étrangères
italien décrivit alors en grand détail les points faibles de l'Italie, et cette
énumération catastrophique, telle que nous la livrent les documents allemands,
dut finalement convaincre Hitler que l'Italie ne lui serait pas d'une grande
aide dans la guerre à venir [189] .
Un des motifs de Mussolini, dit-il, pour vouloir différer la
guerre était qu'il tenait particulièrement à ce que l'Exposition universelle
prévue pour 1942 ait lieu, remarque qui dut stupéfier le Führer, tout plongé qu'il était dans ses cartes et calculs tactiques. Il dut
être tout aussi stupéfait lorsque Ciano sortit naïvement
un texte de communiqué qu'il le pressa de publier : « La rencontre des
ministres de l'Axe avait confirmé les intentions pacifiques de leurs
gouvernements, ainsi que leur conviction que la paix pouvait être préservée par
voie de négociations diplomatiques normales. » Ciano expliqua
que le Duce projetait une conférence de la paix entre
les principales nations européennes; mais que, par déférence « pour les
inquiétudes » du Führer, il se contenterait de
négociations diplomatiques ordinaires.
Le premier jour, Hitler ne repoussa pas complètement l'idée
d'une conférence, mais il rappela à Ciano que la Russie ne
« pourrait plus longtemps rester exclue des futures rencontres entre les
Grandes Puissances ». C'était la première fois qu'il mentionnait l'Union
Soviétique, mais ce ne devait pas être la dernière.
Pour finir, lorsque Ciano tenta d'arracher
à son hôte la date de l'attaque contre la Pologne, Hitler répliqua qu' « en
raison des pluies d'automne qui ne lui permettraient pas d'utiliser ses
divisions blindées et motorisées dans un pays ne disposant que de peu de voies
pavées, le « règlement » avec la Pologne devrait s'effectuer d'une façon ou de
l'autre à la fin d'août ».
Ainsi Ciano tenait sa date. Ou plutôt la
dernière date possible, car, un instant plus tard, Hitler tonna que si les
Polonais se livraient à de nouvelles provocations il était résolu « à attaquer
la Pologne sous les quarante-huit heures ». C'est sur cet éclat que se
terminèrent les conversations du premier jour, mise à part la promesse d'Hitler
qu'il réfléchirait aux propositions italiennes. S'étant accordé vingt-quatre
heures de réflexion, il annonça le lendemain à Ciano qu'il
jugeait préférable de ne pas publier de communiqué à l'issue de leurs
entretiens [190] .
En raison des conditions météorologiques défectueuses prévues
pour l'automne, il était, dit-il, essentiel : premièrement que, dans les délais
les plus courts, la Pologne fasse connaître ses intentions et, deuxièmement,
qu'aucun acte de provocation d'aucune espèce ne soit plus toléré par
l'Allemagne.
Lorsque Ciano voulut connaître quels étaient « les délais les
plus courts ». Hitler lui répondit : « La fin d'août au plus tard ».
Alors qu'il n'aurait besoin que de quinze jours, expliqua-t-il, pour vaincre la
Pologne, la liquidation finale exigerait de deux à quatre semaines de plus —
témoignant ainsi d'un sens prophétique remarquable, comme on devait le
constater par la suite.
Finalement, comme l'entretien touchait à sa fin, Hitler se livra
à son habituel éloge du Duce, malgré les efforts de Ciano pour le convaincre
qu'il n'y avait plus à compter sur lui. Il se sentait personnellement favorisé,
déclara-t-il, « de vivre à une époque où, en dehors de lui, vivait un autre
homme d'État qui occuperait lui aussi une grande place dans l'histoire. Ce lui
était une source de joies que d'être l'ami d'un tel homme. Lorsque sonnerait
l'heure de la lutte commune,
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