Le Troisième Reich, T1
la
Grande-Bretagne et la France?
S'attaquer au Mur de l'Ouest? Improbable (répondit-il). Une
poussée vers le nord à travers la Belgique et la Hollande n'apportera pas une
victoire rapide. Rien de tout cela n'aiderait les Polonais.
Tous ces facteurs s'inscrivent en faux contre l'entrée en
guerre de l'Angleterre et de la France... Rien ne les y contraint. Les hommes
de Munich ne s'y risqueront pas... Les états-majors anglais et français
témoignent d'une grande prudence à l'égard d'un conflit armé et le
déconseillent....
Tout ceci fortifie ma conviction que l'Angleterre aura beau
parler haut, aller même jusqu'à rappeler son ambassadeur et peut-être mettre
l'embargo complet sur les échanges commerciaux, il est certain qu'elle ne
recourra pas à une intervention armée dans le conflit.
Vraisemblablement donc il était possible de régler son compte à
une Pologne isolée, mais c'est « en une semaine ou deux » qu'il faudrait la
vaincre, expliqua Hitler, pour que le monde soit convaincu de sa défaite et
n'essaye pas de la sauver.
Hitler n'était pas encore tout à fait prêt à révéler à ses
généraux jusqu'où il s'était avancé, le jour même, dans la voie d'un marché
avec la Russie, malgré le plaisir qu'ils en eussent éprouvé, convaincus qu'ils
étaient que l'Allemagne ne pouvait faire la guerre sur deux fronts. Mais il
leur en dit assez pour exciter leur désir d'en entendre davantage.
« La Russie, dit-il, n'est nullement disposée à tirer les
marrons du feu pour les autres. » Et il entreprit de fournir des explications
sur les « contacts vagues » qu'il avait eus avec Moscou et commençant par des
négociations commerciales. Il se demandait désormais s'il « devait envoyer un
négociateur à Moscou et si celui-ci devait être un homme de premier plan ».
L'Union Soviétique, déclara-t-il, ne se sentait aucune obligation vis-à-vis de
l'Ouest. Les Russes comprenaient qu'il fallait détruire la Pologne. Ils
s'intéressaient à une « délimitation des sphères d'influence ». Le Führer se «
sentait disposé à faire la moitié du chemin ».
Dans toutes les volumineuses notes sténographiées d'Halder sur
cette séance, on ne voit aucune trace que l'auteur, à titre de chef de
l'état-major de l'armée, le général von Brauchitsch, son commandant en chef, ou
Gœring aient les uns ou les autres élevé la moindre protestation contre la
politique du Führer, qui entraînait l'Allemagne dans une guerre européenne —
car, malgré l'optimisme d'Hitler, il n'y avait aucune certitude que la France
et la Grande-Bretagne ne se battraient pas et que la Russie resterait en
dehors. En fait, une semaine avant exactement, Gœring avait été directement
informé que les Anglais interviendraient sûrement si l'Allemagne attaquait la
Pologne.
Au début de juillet, l'un de ses amis suédois, Birger Dahlerus, avait
tenté de le convaincre que l'opinion publique britannique ne tolérerait pas une
nouvelle agression nazie et, devant le scepticisme du chef de la Luftwaffe, il
s'arrangea pour lui faire rencontrer en privé, le 7 août, un groupe de sept
industriels anglais, dans sa propriété du Schleswig-Holstein, sur la frontière
danoise. Les Anglais, oralement et par mémorandum écrit, firent de leur mieux
pour persuader Gœring qu'en cas d'attaque allemande la Grande-Bretagne serait
fidèle à ses obligations envers la Pologne. Il est douteux qu'ils y soient
parvenus, bien que Dahlerus, industriel comme eux, en ait été convaincu [192] .
Cet étrange Suédois, qui devait jouer un certain rôle comme
médiateur entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne au cours des fiévreuses
semaines qui suivirent, possédait incontestablement de hautes relations à
Berlin et à Londres. Il avait ses entrées à Downing Street, où il avait été
reçu, le 20 juillet, par Lord Halifax, avec lequel il s'était entretenu de la
prochaine rencontre des industriels britanniques avec Gœring; bientôt il devait
être convoqué par Hitler et Chamberlain en personne. Mais, malgré toutes les
bonnes intentions dont il fit preuve dans sa tentative pour sauver la paix,
c'était un naïf doublé d'un diplomate amateur. Des années plus tard, à
Nuremberg, Sir David Maxwell-Fyfe, au cours d'un interrogatoire accablant,
arracha à ce diplomate improvisé le triste aveu qu'il s'était bien laissé
rouler par Gœring et par Hitler (4).
Pourquoi le général Halder, qui, onze mois auparavant, avait
pris la tête du complot
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