Le Troisième Reich, T1
fomenté pour écarter Hitler du pouvoir, ne se
dressa-t-il pas, le 14 août, contre la résolution du Führer d'entrer en guerre?
Ou, s'il jugeait toute protestation inutile, pourquoi ne reprit-il pas ses
plans de conspiration, puisque, comme immédiatement avant Munich, une guerre
serait désastreuse pour l'Allemagne? Beaucoup plus tard, traduit devant le
tribunal de Nuremberg, Halder devait expliquer que, même à la mi-août 1939, il
ne pouvait croire qu'Hitler, malgré ses dires, courrait jamais un tel risque
(5). Une note de son journal en date du 15 août, au lendemain de la réunion du
Berghof, montre que Halder était persuadé que la Grande-Bretagne et la France
ne tenteraient pas non plus l'aventure.
Quant à Brauchitsch, il n'était pas homme à mettre en question
les projets du Führer. Hassell, que Gisevius avait, le 14 août, mis au courant
de la conférence d'Obersalzberg, avait pourtant fait part de son absolue
conviction au chef de l'armée de l'intervention de la Grande-Bretagne et de la
France en cas d'invasion de la Pologne. « Rien à faire avec lui, nota-t-il
tristement dans son journal. Ou bien il a peur, ou bien il ne comprend pas de
quoi il retourne... Il n'y a rien à attendre des généraux... Quelques-uns
seulement sont encore lucides : Halder, Canaris, Thomas (6). »
Seul le général Thomas, brillant chef des services économiques
et de l'armement de l'O.K.W., osa défier ouvertement le Führer. Quelques jours
après la conférence militaire du 14 août, à la suite d'un entretien avec les conjurés
désormais réduits à une inactivité relative (Goerdeler, Beck et Schacht), il
rédigea un mémorandum dont il fit personnellement la lecture au général Keitel,
chef de l'O.K.W.
Une guerre rapide et une paix rapide n'étaient, prétendait-il,
qu'illusions. Une action contre la Pologne déclencherait une guerre mondiale à
laquelle l'Allemagne, qui manquait des matières premières et des ressources
alimentaires indispensables, serait incapable de faire face. Mais Keitel, qui
n'avait d'autres opinions que celles que lui dictait Hitler, tourna en dérision
une telle hypothèse. La Grande-Bretagne, dit-il, était trop décadente, la
France trop dégénérée et l'Amérique trop indifférente pour se battre pour la
Pologne (7).
Ainsi donc, tandis que le monde entrait dans la seconde
quinzaine d'août, les chefs militaires allemands poussaient-ils leurs plans
d'anéantissement de la Pologne et de protection des frontières occidentales du
Reich au cas où les démocraties, contrairement à toute évidence, se
décideraient à intervenir. Le 15 août, le Congrès annuel de Nuremberg,
qu'Hitler, le 1er avril, avait baptisé du nom de Congrès de la Paix et qui
avait été fixé pour la première semaine de septembre, fut secrètement annulé.
Un quart de million d'hommes furent mobilisés pour les armées de
l'Ouest. Les chemins de fer reçurent des ordres de mobilisation anticipée. Des
plans furent dressés qui transféraient le quartier général à Sossen, situé à
l'est de Berlin. Et, en ce même jour du 15 août, la marine annonça que les
cuirassés de poche Graf Spee et Deutschland étaient prêts à appareiller pour
leurs stations de l'Atlantique.
Le 17 août, le général Halder inscrivit une curieuse note dans
son journal : « Canaris contresigné Section 1 (Opérations). Himmler, Heydrich,
Obersalzberg : 150 uniformes polonais avec accessoires pour Haute-Silésie. »
Ce que signifiait cette note, on ne le comprit qu'après la
guerre. Elle concernait l'un des incidents les plus bizarres qui furent jamais
fomentés par les Nazis. De même qu'Hitler et ses chefs d'armée avaient, on s'en
souvient, envisagé de créer un « incident », l'assassinat d'un ministre
allemand par exemple, pour justifier l'invasion de l'Autriche et de la
Tchécoslovaquie, ils envisageaient maintenant, pressés qu'ils étaient par le
temps, de susciter une occasion qui, ils le pensaient du moins, justifierait
aux yeux du monde l'agression qu'ils projetaient contre la Pologne.
Ce plan s'appelait en code l' « Opération Himmler » et l'idée en
était tout à fait simple — et grossière : faire monter par la Gestapo une
attaque simulée contre la station-radio allemande de Gleiwitz, près de la
frontière polonaise, à l'aide de détenus de camps de concentration revêtus
d'uniformes polonais. Cela permettrait d'accuser la Pologne d'agression contre
l'Allemagne. Au début du mois d'août, l'amiral
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