Le Troisième Reich, T1
la Pologne étaient en voie d'exécution »
(comme s'il n'en avait pas toujours été informé!), il se précipita « aussitôt »
chez le Führer pour le prier d'annuler l'ordre d'invasion
de la Pologne, ce à quoi « le Führer consentit
sur-le-champ ». Cette assertion est certainement inexacte.
Le témoignage de Keitel et de Gœring semble quand même plus
honnête. « J'ai été brusquement convoqué par Hitler à la Chancellerie, déclara
Keitel à la barre de Nuremberg, et il m'ordonna : « Arrêtez tout,
immédiatement. Prévenez tout de suite Brauchitsch. Il me faut le temps de
négocier. »
Le fait qu'Hitler pût encore se figurer à cette heure tardive
qu'il pouvait se sortir de l'impasse en négociant fut confirmé par Gœring au
cours de son interrogatoire à Nuremberg.
Le jour où l'Angleterre accorda sa garantie officielle à la
Pologne, le Führer m'appela au téléphone pour m'annoncer qu'il avait suspendu
l'exécution du plan d'invasion de la Pologne. Je lui demandai si cette mesure
était provisoire ou si elle était définitive. « Non, me répondit-il, il me faut
voir si nous pouvons éliminer l'intervention britannique. »
Bien que la défection de dernière minute de Mussolini ait été un
rude coup pour Hitler, il ressort clairement du témoignage ci-dessus que ce fut
surtout l'initiative britannique de signer un traité d'assistance mutuelle avec
la Pologne qui détermina le chef de l'Allemagne à reporter l'attaque. Il est
toutefois étrange qu'après avoir reçu le jour même de la bouche de
l'ambassadeur Henderson un nouvel avertissement que la Grande-Bretagne
interviendrait si la Pologne était attaquée, et alors que le gouvernement
britannique venait de s'engager solennellement par un traité, le Führer ait pu
encore se figurer qu'il pourrait, comme il le dit à Gœring, « éliminer
l'intervention britannique ».
Probablement, ce furent ses contacts avec Chamberlain, à Munich,
qui l'incitèrent à croire que le Premier Ministre consentirait une fois de plus
à capituler si on lui préparait une sortie honorable. Mais, nous le répétons,
il est étrange qu'un homme qui avait fait preuve jusque-là d'une telle
clairvoyance en matière de politique étrangère n'ait pas perçu les changements
survenus dans l'esprit de Chamberlain et dans la position anglaise. Après tout,
c'était bien lui qui les avait provoqués.
Ce ne fut pas toujours aisé de stopper l'avance de l'armée
allemande le soir du 25 août, car de nombreuses unités avaient déjà amorcé
leurs mouvements. En Prusse-Orientale l'ordre de suspension de l'attaque ne
toucha le 1er corps du général Petzel qu'à vingt et une heures trente-sept, et
seuls les efforts frénétiques de plusieurs officiers qui furent dépêchés auprès
des détachements avancés parvinrent à arrêter les troupes. Les colonnes
motorisées du général von Kleist qui faisaient mouvement vers le sud étaient
déjà toutes proches de la frontière polonaise à l'heure du crépuscule.
L'ordre de stopper leur fut transmis par un officier
d'état-major, dont le petit avion de reconnaissance fit un atterrissage de
fortune sur la frontière même. Dans quelques secteurs, les ordres ne parvinrent
qu'après le début du tir, mais, puisque les Allemands ne cessaient, depuis
quelques jours, de fomenter des incidents tout le long de la frontière,
l'état-major polonais ne soupçonna pas la signification réelle du repli. Il
signala toutefois, le 26 août, que de nombreuses « bandes d'Allemands » avaient
passé la frontière pour attaquer à la mitraillette ou à la grenade des
blockhaus et des postes douaniers, spécifiant que, dans l'un des cas, « il
s'agissait d'un détachement de l'armée régulière ».
JOIE ET CONFUSION
DES CONSPIRATEURS
Dans la soirée du 25 août, la nouvelle qu'Hitler avait annulé
l'attaque contre la Pologne plongea les conspirateurs de l'Abwehr dans
l'allégresse. Le colonel Oster l'annonça à Schacht et à
Gisevius, en s'écriant : « Le Führer est fichu! », et, le
lendemain matin, l'amiral Canaris témoigna d'un sens encore moindre de la
réalité. « Hitler, déclara-t-il, ne survivra pas à ce coup. La paix est sauvée
pour vingt ans. » Ils pensaient les uns et les autres que ce n'était plus la
peine de renverser le dictateur nazi, car il était désormais un homme fini.
Depuis des semaines, alors que l'été fatal approchait de son
terme, les conspirateurs, puisque telle était l'image qu'ils se
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