Le Troisième Reich, T1
dans un mémorandum
confidentiel à l'intention de Ribbentrop, il révélait un état d'esprit italien
qui, sans constituer véritablement une surprise (11), mérite à mon avis toute notre
attention. » Magistrati avait en effet expliqué que l'Allemagne semblait faire
fi de la clause du Pacte qui stipulait un contact étroit entre les partenaires
et des consultations sur les questions importantes.
Le Reich, en considérant son différend avec la Pologne comme un
problème exclusivement allemand, « renonçait à l'aide armée de l'Italie ». Si,
contrairement à la thèse allemande, le conflit germano-polonais devait
dégénérer en guerre générale, l'Italie estimerait que « les conditions
préalables de l'alliance » n'étaient pas réalisées. En somme, l'Italie
cherchait le moyen de se défiler.
Deux jours plus tard, le 23 août, Berlin reçut un autre
avertissement, de la part de Hans Georg von Mackensen,
ambassadeur d'Allemagne à Rome. Il écrivit à Weizsaecker « afin de l'informer
de ce qui se passait dans les coulisses ». La lettre, à en croire une note
marginale de la propre main de Weizsaecker, fut soumise au Führer. Sans aucun
doute, elle dut lui ouvrir les yeux. D'après Mackensen, la position italienne,
fixée au cours de plusieurs conférences entre Mussolini, Ciano et
Attolico, pouvait être résumée ainsi : en envahissant la Pologne, le Reich
violerait le Pacte d'Acier, basé sur l'engagement de n'entreprendre aucune
action d'agression avant 1942.
De plus, contrairement à la thèse allemande, Mussolini était
persuadé que l'attaque contre la Pologne entraînerait l'intervention de la
Grande-Bretagne et de la France, — « et même, quelques mois plus tard, celle
des États-Unis ». Pendant que l'Allemagne, sur le front de l'Ouest, se
cantonnerait dans la défensive, les Franco-Britanniques,
selon la conviction du Duce, fondraient sur l'Italie avec
toutes les forces dont ils disposeraient. L'Italie aurait donc à supporter tout
le poids de la guerre afin de permettre au Reich de liquider son adversaire à
l'est (12)...
Ces mises en garde, Hitler devait les avoir présentes à l'esprit
quand, dans la matinée du 25 août, il rédigea sa lettre à Mussolini. Toute la
journée, il attendit la réponse, en proie à une impatience grandissante. La
veille, peu après minuit, Ribbentrop, après une soirée passée à relater au
Führer les détails de son triomphe à Moscou, appela Ciano au
téléphone pour l'avertir, « à l'instigation du Führer », de l' « extrême
gravité de la situation due aux provocations polonaises [216] ». Une note de Weizsaecker révèle qu'il ne l'avait appelé que pour « empêcher
les Italiens d'arguer de développements inattendus ».
Au moment où l'ambassadeur Mackensen remettait au Palais Venezia à Rome, le 25 août à quinze heures vingt, la lettre
d'Hitler dans les mains de Mussolini, le Duce savait déjà que l'attaque contre
la Pologne était imminente. A l'inverse d'Hitler, il était certain que la
Grande-Bretagne et la France entreraient immédiatement en guerre, avec des
conséquences catastrophiques pour l'Italie, dont la marine ne pouvait se
mesurer à la flotte britannique en Méditerranée, et dont l'armée serait écrasée
par les Français [217] .
Selon une description que Mackensen envoya télégraphiquement à
Berlin, à vingt-deux heures vingt-cinq, Mussolini, après avoir par deux fois
soigneusement lu la lettre en sa présence, lui déclara qu'il « approuvait
entièrement » le Pacte germano-soviétique et qu'il comprenait bien qu' « un
conflit avec la Pologne ne pourrait être évité plus longtemps ». Pour finir, «
et ceci, dit Mackensen, il le souligna expressément », il se déclara «
inconditionnellement à nos côtés et avec toutes les ressources à sa disposition
(13) ».
Mais ce n'était pas là ce que le Duce écrivit au Führer; à
l'insu de l'ambassadeur d'Allemagne, le texte du message fut précipitamment
téléphoné à Attolico, qui avait regagné son poste de Berlin et qui « vers
dix-huit heures » arriva à la Chancellerie pour remettre le message à Hitler en
personne. Selon Schmidt, qui était présent, la lettre fit au Führer « l'effet
d'une bombe ». Après avoir exprimé son approbation complète du Pacte
germano-soviétique, et « toute sa compréhension concernant la Pologne »,
Mussolini en venait au point essentiel.
Concernant l'attitude pratique (les italiques sont
de la main de Mussolini) de
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