Le Troisième Reich, T1
leurs appels au Führer en faveur de la paix ne furent pas plus efficaces. Le 24
août, le président Roosevelt adressa un message urgent à Hitler et au président
de la République polonaise pour leur demander de régler leurs différends sans
recourir aux armes.
Dans une réponse très digne, le lendemain, le président Moscicki
rappela à Roosevelt que ce n'était pas la Pologne qui « formulait des
réclamations et exigeait des concessions », mais qu'elle était disposée à
régler son conflit avec l'Allemagne par voie de négociations directes ou de
conciliation, comme le lui recommandait le président des États-Unis. Hitler ne
répondit même pas. (Roosevelt lui avait rappelé qu'il avait laissé sans réponse
son appel du mois d'avril.) Le lendemain, 25 août, parvint au Führer un second message l'informant de la réponse conciliante de Moscicki et
où il le suppliait de « consentir aux moyens de règlement pacifique acceptés
par le gouvernement polonais ».
La seconde lettre n'obtint pas non plus de réponse, bien que, le
soir du 25 août, Weizsaecker ait réussi à convaincre le chargé d'affaires
américain à Berlin, Alexander C. Kirk, de dire au
président que le Führer avait bien reçu les deux
télégrammes et les avait mis « dans les mains du ministre des Affaires
étrangères pour que le gouvernement les examinât ».
Le 24 août, le pape prit la parole sur les ondes pour lancer un
appel radiodiffusé en faveur de la paix suppliant « par le sang du Christ...
que les forts nous écoutent pour ne pas devenir faibles dans l'injustice... et
que leur puissance n'amène pas la destruction ». L'après-midi du 31 août, le
pape envoya des notes identiques aux gouvernements d'Allemagne, de Pologne,
d'Italie et des deux Puissances occidentales, « suppliant au nom de Dieu... les
gouvernements allemand et polonais... d'éviter tout incident », et conjurant
les gouvernements anglais, français et italien d'appuyer son appel :
Le pape, ajouta-t-il, répugne à abandonner l'espoir que les
négociations en cours puissent mener à une solution juste et pacifique.
Sa Sainteté, comme la plupart des autres hommes dans le monde,
n'avait pas saisi que les « négociations en cours » n'étaient qu'un procédé de
propagande dont Hitler se servait pour justifier son agression. En fait, comme
nous le verrons bientôt, il n'y eut aucune négociation de bonne foi, en cours
ou autrement, pendant le dernier après-midi de la paix.
Quelques jours plus tôt, le 23 août, le roi des Belges, parlant
au nom des chefs d'État des puissances du groupe d'Oslo (Belgique, Pays-Bas,
Luxembourg, Finlande et les trois États Scandinaves), avait, lui aussi, lancé
par radio un émouvant appel en faveur de la paix, où il formait le vœu « que
les hommes dont dépend le cours des événements acceptent de soumettre leurs
différends et leurs revendications à une négociation ouverte ». Le 28 août, le
roi des Belges uni à la reine des Pays-Bas offrirent conjointement leur médiation
« dans l'espoir d'éviter la guerre (24) ».
Aussi nobles d'expression et d'intention que fussent ces appels
de la part des neutres, ils ont quelque chose d'irréel et de pathétique lorsque
nous les lisons aujourd'hui. Ils donnent l'impression que le président des
États-Unis, le pape et les chefs d'État des petites démocraties du nord de
l'Europe vivaient sur une autre planète, et qu'ils ne comprenaient pas mieux ce
qui se passait que si les événements s'étaient déroulés sur Mars. Cette
ignorance de l'esprit, du caractère et des buts d'Adolf Hitler et, en fait, des
Allemands qui, sauf de rares exceptions, étaient prêts à le suivre aveuglément,
peu importait où et comment, au mépris de la morale, de l'honneur ou des
principes chrétiens d'humanité, — cette ignorance, donc, devait, au cours des
mois à venir, coûter très cher aux peuples dirigés par Roosevelt et par les
souverains de Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg, de Norvège et du Danemark.
Quant à nous, qui étions à Berlin pendant ces angoissants derniers
jours de la paix et qui nous efforcions d'informer le monde extérieur, nous ne
savions pas non plus grand-chose de ce qui se passait dans la Wilhelmstrasse où
se trouvaient la Chancellerie et le ministère des Affaires étrangères, ni dans
la Bendlerstrasse, où les militaires avaient leur siège. Nous observions, du
mieux que nous pouvions, les allées et venues dont la Wilhelmstrasse était
Weitere Kostenlose Bücher