Le Troisième Reich, T1
document, il y avait là « de quoi assommer un
taureau, à condition que le taureau sût lire (26)! » La liste comprenait 7
millions de tonnes de carburant, 6 millions de tonnes de charbon, 2 millions de
tonnes d'acier, 1 million de tonnes de bois de charpente, plus une longue
énumération d'autres articles incluant même 600 tonnes de molybdène, 400 de
titane et 20 de zircon.
En outre, Mussolini demandait 150 batteries anti-aériennes pour
protéger la zone industrielle du nord de l'Italie, qui n'était qu'à quelques
minutes de vol des bases aériennes françaises, circonstance qu'il rappela à
Hitler dans une nouvelle lettre. Ciano téléphona ce message à Berlin à
Attolico, peu après midi, le 26 août, et celui-ci le transmit immédiatement à
Hitler (27).
Il contenait bien plus que la liste gonflée des matières
premières requises. Pour une fois, le chef fasciste, ayant perdu toute superbe,
était manifestement résolu à se soustraire habilement à ses engagements
vis-à-vis d'Hitler et du Troisième Reich. Après la lecture du deuxième message,
le Führer ne pouvait plus se permettre le moindre doute.
Fuehrer (écrivait
Mussolini à son camarade de lutte)! Je ne vous aurais jamais envoyé cette
liste, et en tout cas elle aurait porté sur un plus petit nombre d'articles et
sur des chiffres très inférieurs, si j'avais eu le temps (dont nous étions
convenus à l'avance) d'accumuler des stocks et d'accélérer le rythme de l'autarcie.
Je considère de mon devoir de vous prévenir qu'à moins
d'avoir la certitude de recevoir ces fournitures les sacrifices que je devrais
imposer au peuple italien... risquent d'être vains et de compromettre votre
cause en même temps que la mienne.
Sous sa propre responsabilité, l'ambassadeur Attolico,
personnellement opposé à la guerre et en particulier à une éventuelle
participation italienne, dit expressément à Hitler, en lui remettant le
message, « que tout le matériel devait être livré en Italie avant le début des
hostilités », ajoutant que cette clause était « décisive [220] ».
Mussolini mettait encore ses espoirs en un nouveau Munich. Il
ajouta à sa note un paragraphe notifiant que, si le Führer jugeait qu'il
subsistait « une possibilité de solution dans le domaine politique », il était
prêt, comme auparavant, à fournir à son collègue allemand tout son concours. En
dépit de leurs étroites relations personnelles, de leur Pacte d'Acier et de
toutes les bruyantes démonstrations de solidarité prodiguées au cours des
années passées, le fait demeure que, même en cette onzième heure, Hitler
n'avait pas confié à Mussolini son véritable objectif : la destruction de la
Pologne, but que son partenaire de l'Axe ignorait totalement. Il fallut
attendre la fin de cette journée du 26 août pour qu'un pont fût jeté au-dessus
du fossé qui les séparait.
Moins de trois heures après avoir reçu la lettre du Duce, le 26
août, Hitler y répondit longuement. A quinze heures huit, Ribbentrop, une fois
de plus, téléphona le message à l'ambassadeur Mackensen, qui se hâta de le
remettre à Mussolini, peu après dix-sept heures. S'il était possible de
satisfaire certaines demandes des Italiens, en ce qui concernait notamment le
charbon et l'acier, il fallait y renoncer pour un grand nombre d'autres. En
tout cas, l'exigence, formulée par Attolico, d'une livraison avant l'ouverture
des hostilités était qualifiée d' « utopique ».
Là-dessus, Hitler prit enfin son ami et allié dans sa confidence
et lui révéla ses buts réels et immédiats.
Comme ni la France ni la Grande-Bretagne ne sont capables
de remporter de succès décisifs à l'Ouest et que l'Allemagne, par suite du
pacte avec la Russie, aura toutes ses forces de l'Est libérées après la défaite
de la Pologne... je n'hésite plus à résoudre la question orientale, fût-ce au
risque de complications à l'Ouest.
Je comprends, Duce, votre position et voudrais seulement
vous demander d'immobiliser les forces anglo-françaises au moyen d'une active
propagande et de démonstrations militaires appropriées, ainsi que vous me
l'avez vous-même proposé (29).
Telle est la première preuve fournie par les documents allemands
que, vingt-quatre heures après avoir rapporté l'offensive contre la Pologne,
Hitler avait repris confiance et poursuivait ses plans, « fût-ce au risque »
d'une guerre contre l'Ouest.
Ce même soir du 26 août, Mussolini fit un nouvel effort
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