Le Troisième Reich, T1
et reconnu comme étant la directive n° 2
de l'opération Otto. On y lit : « Les conditions de l'ultimatum allemand
adressé au gouvernement autrichien n'ont pas été remplies... Pour éviter de
nouvelles effusions de sang dans les villes autrichiennes, l'entrée des forces
allemandes en Autriche commencera, selon la directive n° 1, à l'aube du 12
mars. Je compte que les objectifs fixés seront atteints en employant toutes les
forces, au maximum, le plus rapidement possible. Signé : Adolf Hitler (29) ».
[99] En réalité, longtemps après minuit, Seyss-Inquart s'efforçait encore d'obtenir
d'Hitler qu'il renonçât à l'invasion. Un mémorandum des Affaires étrangères
allemandes révèle qu'à 2 h 10 du matin, le 12 mars, te général Muff téléphona à
Berlin et déclara que, selon les instructions du chancelier Seyss-Inquart, il
demandait « que les troupes alertées demeurent sur la frontière, sans la
franchir ». Keppler vint lui aussi à l'appareil pour appuyer la requête. Le
général Muff, homme probe et officier de la vieille école, semble avoir été
embarrassé par le rôle qu'on lui faisait jouer à Vienne. Informé par Berlin
qu'Hitler refusait d'arrêter ses troupes, il répondit « qu'il regrettait
d'avoir à transmettre un tel message (30) ».
[100] Quand il témoigna à Nuremberg, Guido Schmidt jura que lui-même et Schuschnigg
exposèrent aux envoyés des grandes puissances les termes de l'ultimatum « en
délai (32) », De plus, à ma connaissance, les correspondants à Vienne du Times
et du Daily Telegraph téléphonèrent à leurs journaux un compte rendu complet et
véridique.
[101] Churchill a donné un amusant récit de ce déjeuner, dans L'Orage approche.
[102] Ces mensonges furent répétés dans une circulaire télégraphique envoyée le 12
mars par le baron von Weizsaecker, fonctionnaire au ministère des Affaires
étrangères, aux ministres allemands à l'étranger « pour l'information et
l'orientation de vos conversations ». Weizsaecker affirmait que les
déclarations de Schuschnigg relatives à un ultimatum allemand étaient « pure
invention » et, affirmait-il à ses diplomates à l'étranger : « La vérité, c'est
que la question d'un envoi de forces militaires... a été d'abord soulevée dans
le télégramme que l'on connaît, envoyé par le nouveau gouvernement autrichien.
En raison du danger imminent de guerre civile, le gouvernement du Reich a
décidé de répondre à cet appel (37). » Ainsi le ministre des Affaires
étrangères allemand mentait non seulement aux diplomates étrangers, mais aux
siens propres. Dans un long ouvrage, d'ailleurs sans intérêt, écrit après la
guerre, Weizsaecker, comme tant d'autres Allemands qui avaient servi Hitler,
soutint qu'il n'avait jamais cessé d'être antinazi.
[103] Dans son témoignage à Nuremberg, le 9 août 1946, le feld-maréchal von Manstein
affirma : « Au moment où Hitler nous donna ses ordres pour l'Autriche, son
souci majeur n'était pas tant celui d'une intervention de la part des
Puissances; il s'inquiétait avant tout de l'attitude de l'Italie, qui,
semble-t-il, s'était toujours rangée aux côtés de l'Autriche et des Habsbourg
(38)».
[104] Pourtant, malgré cet état d'extase et sans que von Papen, esprit superficiel,
l'eût remarqué, peut-être Hitler brûlait-il de se venger d'une ville et d'un
peuple qui ne l'avaient pas apprécié dans sa jeunesse et qu'au fond de son cœur
il méprisait. Ce qui pourrait expliquer en partie la brièveté de son séjour.
Certes, quelques semaines plus tard, il dit en public au bourgmestre de Vienne
: « Soyez assuré que Vienne est une perle à mes yeux — je la sertirai dans une
monture digne d'elle », mais sans doute était-ce bien plus une formule de
propagande électorale que l'expression de ses sentiments profonds. Baldur von
Schirach, gouverneur nazi et gauleiter de Vienne pendant la guerre, eut la
révélation de ces sentiments lors d'une réunion orageuse qui eut lieu au
Berghof. Il en fit le récit en ces termes quand il déposa à Nuremberg :
Le Führer se mit alors à parler des gens de Vienne avec une
haine que je puis qualifier d'incroyable et d'effrénée... A quatre heures du
matin, Hitler tint brusquement un propos que je voudrais répéter ici, pour des
raisons historiques. Il dit : « Vienne n'aurait jamais dû être admise dans
l'Union de la Grande Allemagne. » Hitler n'a jamais aimé Vienne. Il détestait
les Viennois (41).
La joie que
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