Le Troisième Reich, T1
fut
brusquement interrompue. Comme je protestais, les fonctionnaires allemands me
répondirent que l'ordre émanait d'Hitler en personne. Un quart d'heure après,
la CBS me téléphonait de New York me demandant de vérifier la rumeur de
l'assassinat. Il me fut facile de la démentir, car mon téléphone branché sur
Wilhelmshaven me permettait d'entendre Hitler en train de hurler son discours.
Il eût été très difficile de tirer sur le Führer ce
jour-là, car il parlait derrière une vitre blindée.
[169] Le jour du discours, Weizsaecker télégraphia à Hans Thomsen, chargé d'affaires
allemand à Washington, pour lui recommander de donner au discours du Führer la
plus vaste publicité possible aux États-Unis, l'assurant que des crédits
supplémentaires lui seraient fournis à cette fin. Le 1er mai, Thomsen répondit:
« L'intérêt qu'a suscité ce discours surpasse tout ce que l'on a jamais connu.
J'ai donc fait distribuer le texte anglais imprimé ici... à des dizaines de
milliers d'adresses de toutes classes et professions, selon le plan convenu.
Note de frais suivra (26). »
[170] Hitler prenait soin d'employer le terme gaélique pour désigner le Premier
Ministre.
[171] Bien qu'une dépêche du correspondant de l'Associated Press à Moscou (publiée à
New York dans le Times du 12 mars) ait signalé qu'après la condamnation par
Staline des efforts en vue de pousser la Russie à faire la guerre à
l'Allemagne, on avait parlé dans les cercles diplomatiques de Moscou d'un
rapprochement germano-soviétique. Sir William Seeds, l'ambassadeur de
Grande-Bretagne, ne semble pas avoir participé à aucune de ces conversations.
Dans sa dépêche rapportant le discours de Staline, Seeds ne fit aucune mention
d'une telle éventualité.
Un de nos représentants en Europe, Joseph E. Davies, ancien
ambassadeur des États-Unis à Moscou, et en poste à Bruxelles à l'époque, sut
tirer du discours de Staline les conclusions qui s'imposaient. « C'est une
déclaration très significative, nota-t-il dans son journal en date du 11 mars.
Elle porte la marque d'un net avertissement aux gouvernements français et
britannique que les Soviets commencent à se lasser de l'opposition « non
réaliste » aux pays agresseurs. Cela... est vraiment de très mauvais augure
pour les négociations entre le Foreign Office et l'Union Soviétique. C'est là
certainement la mise en garde la plus significative que j'aie vu jusqu'ici. »
Le 21 mars, il écrivait au sénateur Key Pittman : « Hitler fait un effort
désespéré pour séparer Staline de la France et de la Grande-Bretagne. A moins
d'un réveil des Anglais et des Français, je crains fort qu'il ne réussisse
(32). »
[172] En expliquant à l'ambassadeur des Soviets à Londres, Ivan Maisky, pourquoi la
proposition russe d'une conférence devant de préférence prendre place à
Bucarest n'était pas « acceptable », Lord Halifax déclara, le 19 mars, qu'aucun
ministre de la Couronne ne pouvait présentement se rendre à Bucarest. Il est
clair que cette rebuffade aigrit les Russes pendant leurs négociations
ultérieures avec les Anglais et les Français. Maisky devait déclarer plus tard
à Robert Boothby, le député conservateur, « que le rejet de la proposition
russe avait porté un coup écrasant à la politique de sécurité collective » et
qu'il avait décidé du sort de Litvinov (33).
[173] Si l'on peut, prudemment, accorder quelque créance au journal publié de
Litvinov (Notes pour un Journal), Staline envisageait ce changement depuis
Munich, dont les Soviets avaient été exclus. Vers la fin de 1938, selon un passage
de cet ouvrage, Staline avait déclaré à Litvinov : « Nous sommes prêts à
conclure un accord avec les Allemands... et aussi à rendre la Pologne
inoffensive. » En janvier 1939, le commissaire aux Affaires Étrangères notait :
« Il semble qu'ils ont décidé de me révoquer. » Dans le même passage, il révèle
que toutes ses communications avec l'ambassade des Soviets à Berlin doivent
désormais passer par Staline et que l'ambassadeur Merekalov, sur l'ordre de
Staline, est sur le point d'amorcer des négociations avec Weizsaecker « pour
faire savoir effectivement » à Hitler ces dispositions nouvelles : « Nous
n'avons pu jusqu'à présent nous entendre, mais désormais c'est différent. » Le
Journal est un ouvrage un peu sujet à caution. Le professeur Edward Hallett Carr,
qui fait en Grande-Bretagne autorité sur l'Union
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