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Le Troisième Reich, T1

Le Troisième Reich, T1

Titel: Le Troisième Reich, T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Shirer
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suite et la mentalité perverse et détraquée qui s'empara
d'eux. En fin de compte, ce fut la force pure qui forgea la nation allemande,
et l'agression continuelle qui l'empêcha de se fragmenter.
    La Prusse s'étend à l'est au-delà de l'Elbe. Dans la seconde
moitié de ce XIXe siècle, où en 1848-1849 à Francfort, des libéraux timides et
indécis n'avaient pas réussi à créer une Allemagne vaguement démocratique et
unifiée, la Prusse se chargea d'assurer les destinées allemandes. Pendant des
centaines d'années, elle s'était maintenue à l'écart du courant principal que
suivait le développement culturel germanique. Il semble que l'histoire eut
alors une lubie.
    Les débuts de la Prusse furent ceux de l'État frontière de
Brandebourg, occupant les ingrates terres sablonneuses situées à l'est de
l'Elbe; né au commencement du XIe siècle, il fut peu à peu conquis sur les
Slaves. Sous ses princes régnants, les Hohenzollern, qui n'étaient guère que
des soldats d'aventure, les Slaves, des Polonais pour la plupart, furent
graduellement repoussés le long de la Baltique; ceux qui résistèrent furent
exterminés ou réduits au servage sans terre. La loi de l'empire germanique
interdisait aux princes de prendre le titre de roi; mais, en 1710, l'empereur
consentit que l'électeur Frédéric III fût couronné, à Kœnigsberg, comme roi en
Prusse.
    A cette époque, la Prusse s'était élevée par ses propres moyens
au rang des premières puissances militaires européennes. Elle n'avait aucune
des ressources que possédaient les autres. Son sol était stérile et sans
richesses minérales, sa population réduite. Elle ne disposait ni de grandes villes,
ni d'industries, ni d'une civilisation étendue. Les nobles eux-mêmes étaient
pauvres; leurs paysans vivaient comme du bétail sur une terre qui ne leur
appartenait pas. Pourtant, une énergie forcenée et un génie de l'organisation
permirent aux Hohenzollern de créer un État militaire à la Spartiate, dont les
armées, disciplinées et bien instruites, remportaient victoire sur victoire, et
qui augmentait continuellement son territoire, grâce à une diplomatie inspirée
de Machiavel, à base d'alliances temporaires avec la nation, quelle qu'elle
fût, qui semblait la plus forte au moment voulu.
    Ainsi se développa, artificiellement en quelque sorte, un État
qui n'était pas né d'une force populaire, ni même d'une autre idée que celle de
conquête, et dont la cohésion ne tenait qu'au pouvoir absolu du souverain, à
une bureaucratie d'esprit étroit agissant à sa guise et à une armée soumise à
une discipline impitoyable. Les deux tiers, et parfois jusqu'aux cinq sixièmes,
du revenu national étaient absorbés par cette armée, qui devint, sous le roi,
l'État lui-même. Mirabeau disait que la Prusse n'était pas un État ayant une
armée, mais une armée ayant un État.
    Et l'armée, conduite avec l'efficience et l'indifférence
sentimentale d'une usine, devint tout; les individus n'étaient plus que les
rouages de la machine. Ils étaient aux ordres de leurs rois et de leurs
sous-officiers instructeurs; bien plus, les philosophes leur enseignaient que
leur rôle dans l'existence était fait d'obéissance, de travail, de sacrifice et
de devoir. Kant lui-même assura que le devoir exige la suppression des
sentiments humains et le poète prussien Willibald Alexis chanta
l'asservissement de la population sous les Hohenzollern. Pour Lessing, qui ne
l'approuvait point, « la Prusse était le pays le plus esclavagiste d'Europe ».
    Elle engendra aussi un produit unique : les junkers, qui
allaient jouer un rôle capital dans l'Allemagne moderne. Ils prétendaient être
une race de seigneurs. Ce furent eux qui occupèrent le pays conquis sur les
Slaves et qui le firent mettre en valeur par ces mêmes Slaves, réduits à l'état
de serfs sans terre dans des conditions très différentes de celles qui
régnaient dans les régions occidentales. Le système agraire était
essentiellement différent en Prusse, d'une part, et dans l'ouest de l'Allemagne
et les pays d'Europe occidentale, d'autre part. Dans ces derniers, les nobles
possédaient la plupart des terres et recevaient des loyers ou des droits
féodaux que leur payaient les paysans.
    Ceux-ci, quoique souvent maintenus en servage, possédaient
certains avantages et privilèges; ils pouvaient accéder progressivement à la
propriété de leur terre et obtenir la liberté civique. En l'Occident,

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