Le Troisième Reich, T1
voyait la clef
de l'histoire, la base de la civilisation dans la race. Pour expliquer le XIXe
siècle, c'est-à-dire le monde contemporain, il disait qu'il fallait d'abord
examiner ce que les époques précédentes lui avaient apporté; ce legs était
triple : la philosophie et l'art de la Grèce; la loi romaine; la personnalité
du Christ. Et il y avait trois légataires : les Juifs et les Allemands, qui
étaient les « deux races pures », puis les sang-mêlé latins de la Méditerranée,
qu'il appelait un « chaos de peuples ». Seuls, les Allemands avaient droit au
splendide héritage.
Il est vrai que leur venue dans l'histoire ne remontait qu'au
XIIIe siècle; mais ils avaient prouvé leur valeur auparavant, en détruisant
l'empire romain. « Il est faux, déclare Chamberlain, que le Teuton barbare ait
fait descendre sur l'Europe ce qu'on appelle la nuit de Moyen Age; bien plutôt,
cette nuit survint après la faillite intellectuelle et morale du chaos humain
sans race engendré par l'empire romain dans son agonie. Sans le Teuton, une
nuit éternelle se fût appesantie sur le globe. » Car, au temps qu'il
s'exprimait ainsi, Chamberlain plaçait dans le Teuton l'unique espoir du monde.
Parmi les « Teutons », et quoique ceux-ci fussent les éléments
de l'ensemble, Chamberlain comprenait aussi les Celtes et les Slaves. Il est
cependant très catégorique dans ses définitions et il assure quelque part que «
quiconque se comporte en Teuton est un Teuton, quelle que soit la souche de sa
race ». Peut-être se souvint-il alors de son origine non allemande. En tout
cas, le Teuton était selon lui « l'âme de notre civilisation. L'importance de
toute nation, en tant que puissance vivante d'aujourd'hui est en proportion de
l'authentique sang teuton de sa population... L'histoire véritable commence au
moment où le Teuton, de sa main souveraine, prend dans sa poigne le legs de
l'antiquité ».
Et les Juifs ? C'est à eux qu'il consacre le plus long chapitre
des Fondements . Comme nous l'avons vu, Chamberlain prétend que les Juifs
et les Teutons représentent les seules races pures subsistant en Occident. Dans
le chapitre en question, il condamne « l'antisémitisme stupide et révoltant ».
Il assure que les Juifs ne sont pas « inférieurs » aux Teutons, mais seulement
qu'ils sont « différents » d'eux. Ils ont leur grandeur propre, ils comprennent
le « devoir sacré » qui incombe à l'homme de maintenir la pureté de la race.
Pourtant, quand il entreprend d'analyser ce qui les concerne, Chamberlain
sombre dans le même antisémitisme vulgaire qu'il condamne chez les autres,
antisémitisme aboutissant aux grossièretés des caricatures qui, au temps
d'Hitler, paraissaient contre les Juifs dans Der Stuermer , le périodique
de Julius Streicher. On peut dire que la base « philosophique » de
l'antisémitisme nazi fut en bonne partie prise dans ledit chapitre.
L'absurdité des opinions de Chamberlain saute aux yeux. Il a
déclaré que la personnalité du Christ est un des trois grands legs faits par
l'antiquité à la civilisation moderne. Il entreprend alors de « prouver » que
Jésus n'était pas Juif. Ses origines galiléennes, son incapacité à prononcer
correctement les gutturales aramaïques constituent pour Chamberlain des « signes
nets », indiquant que le Christ avait « une forte proportion de sang non sémite
». Puis il proclame en termes typiquement décisifs : « Quiconque a prétendu que
Jésus était un Juif, ou bien s'est montré stupide, ou bien a menti... Jésus
n'était pas juif. »
Qu'était-il donc? Chamberlain répond : Probablement un Aryen!
Sinon tout à fait par le sang, du moins et très certainement à cause de sa
doctrine morale et religieuse, si nettement opposée « au matérialisme et au
formalisme abstrait » du judaïsme. Il était par conséquent naturel — aux yeux de Chamberlain, en tout cas — que le Christ devînt «
le dieu de tous les jeunes peuples indo-européens débordants de vie », et
par-dessus tout celui des Teutons, parce que « nul autre peuple n'était aussi
bien doué qu'eux pour écouter cette voix divine ».
Vient ensuite ce qui est supposé constituer une histoire
détaillée de la race juive, depuis l'époque du mélange des Sémite ou bédouins
du désert, avec les Hittites à tête ronde, qui avaient un « nez juif », et
enfin avec les Amorrites, qui étaient aryens. Malheureusement, le mélange aryen
— les Amorrites, affirme Chamberlain,
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