Le Troisième Reich, T1
présenter un homme, écrit-il
dans Mein Kampf (les italiques
sont de lui), qui, animé d'une vigueur indéniable, transformera en principes
durs comme le granit l'idéologie confuse des masses et luttera pour leur seule
rectitude, jusqu'à ce que, des notions changeantes d'un monde où la pensée ne
connaît pas de frein, surgisse une muraille de foi et de volonté, abrupte et
sans fissure (28). »
Il ne laissait pas dans l'esprit de ses lecteurs le moindre
doute qu'il ne se considérât lui-même comme ce seul homme. Mein
Kampf est parsemé de petits essais sur le rôle
du génie choisi par la Providence pour guider un grand peuple, le tirer hors de
ses difficultés de l'amener à la grandeur, bien que celui-ci risque de ne pas
le comprendre et de ne pas reconnaître tout de suite sa valeur. Le lecteur se
rend parfaitement compte qu'Hitler pense alors à lui-même et à sa situation du
moment; il n'est pas encore admis par le monde pour ce qu'il est certain
d'être; mais tel fut toujours le sort des génies, à leurs débuts.
Hitler en fait d'ailleurs la remarque : « Il faut presque
immanquablement que quelque détail vienne déterminer le génie à occuper le
devant de la scène. Le monde alors résiste et se refuse à croire que l'homme
désigné, chez qui il ne constate aucun signe particulier, soit en fait un
personne très différente des autres; ce processus se reproduit pour tout
individu éminent... L'étincelle du génie existe dans le cerveau de l'homme
vraiment créateur, dès l'heure de sa naissance. Le génie est toujours inné,
jamais cultivé, encore moins appris (29) ».
Plus précisément, Hitler estimait que les grands hommes qui
modèlent l'histoire sont un mélange de politicien à l'esprit pratique et de
penseur. « A de longs intervalles dans l'histoire, il peu occasionnellement
arriver que l'homme politique soit doublé d'un théoricien. Plus cette fusion
est intime, plus se multiplient les obstacles qui s'opposent à l'œuvre du
politicien. Il ne travaille plus pour des nécessités que comprendra le premier
bon boutiquier venu, mais pour des buts que très peu de gens sont capable de
concevoir. Sa vie est donc déchirée entre l'amour et la haine La résistance
offerte par le présent, pour qui il est un phénomène inexplicable, lutte avec
la compréhension que lui accordera la postérité, pour laquelle il œuvre
également. En effet, plus les efforts d'un homme sont bienfaisants pour
l'avenir, moins ses contemporains s'en aperçoivent, et plus dur est son combat
(30)... »
Hitler écrivit ces lignes en 1924, alors que rares étaient ceux
qui avaient l'intuition de ce que cet homme, emprisonné, discrédité par l'échec
de son putsch d'opéra-comique, se proposait de réaliser. Hitler, lui, ne
nourrissait aucun doute. Qu'il lût Hegel ou non, on peut en discuter; mais ses
écrits et ses discours prouvent que les idées du philosophe ne lui étaient pas
étrangères, ne fût-ce que par ses discussions avec ses conseillers du début,
Rosenberg, Dietrich et Hess. De toute façon, les célèbres leçons de Hegel à
l'université de Berlin durent retenir son attention, de même que les nombreux
aphorismes de Nietzsche. Nous avons vu brièvement [40] que Hegel énonça une théorie des « héros » qui trouva dans l'intellect allemand
un écho très favorable. Dans une de ses leçons, il a examiné comment « la
volonté de l'esprit universel » est accomplie par « les hommes de l'histoire
universelle ».
On peut les appeler héros, puisque leurs desseins et leur
vocation leur sont venus non pas de l'habituel et calme cours des événements,
sanctionné par l'ordre existant, mais bien d'une source secrète, de cet esprit
intérieur qui reste caché sous la surface et qui se jette sur le monde
extérieur comme sur une coquille qu'il briserait en morceaux. Tels furent Alexandre,
César, Napoléon, hommes politiques et pratiques, mais aussi hommes de pensée,
percevant les aspirations de leur époque et les opportunités qu'elle offrait.
C'était la vérité même pour leur temps et pour leur monde... il leur
appartenait de discerner ce principe naissant, ce pas en avant immédiat et
nécessaire que leur monde allait faire, de le prendre pour but et de consacrer
leur énergie à l'effectuer. Les hommes de l'histoire universelle, ces héros
d'une époque, doivent par conséquent être reconnus pour ceux qui la prévirent
et la devancèrent; leurs actes et leurs paroles ont
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