Le Troisième Reich, T2
émanant du maréchal, mais l’hésitant
commandant en chef ne put se décider à le donner. En conséquence, Tresckow et
Schlabrendorff décidèrent de prendre eux-mêmes les choses en main.
Ils installeraient tout simplement une de leurs bombes anglaises
à bord de l’avion que reprendrait Hitler. « En simulant un accident, devait
expliquer plus tard Schlabrendorff, on aurait l’avantage d’éviter tous les
inconvénients politiques d’un meurtre. Car, à cette époque, Hitler comptait
encore de nombreux partisans qui, à la suite d’un tel événement, auraient
opposé une forte résistance à notre révolte. »
Par deux fois, après l’arrivée d’Hitler, au cours de l’après-midi
et de la soirée du 13 mars, les deux officiers antinazis furent tentés de
modifier leurs plans et de faire exploser la bombe, la première fois au
quartier général de Kluge, où Hitler conférait avec les
généraux, et la seconde fois dans le mess des officiers où tous soupaient [243] .
Mais la bombe aurait tué par la même occasion quelques-uns des
généraux sur lesquels – une fois qu’ils auraient été libérés de leur serment
personnel de fidélité au Führer – comptaient les
conspirateurs pour les aider à s’emparer du pouvoir.
Restait à mettre la bombe dans l’avion du Führer, qui
devait s’envoler aussitôt après le dîner. Schlabrendorff avait préparé ce qu’il
appelle « deux paquets explosifs » et les avait réunis en un seul
colis ressemblant à deux bouteilles de cognac. Au cours du repas, Tresckow
avait innocemment demandé au colonel Heinz Brandt, de l’état-major
général de l’armée, qui était venu avec Hitler, s’il consentirait à emporter
deux bouteilles de cognac à son vieil ami le général Helmuth Stieff [244] ,
chef des services d’organisation du haut commandement militaire. Sans défiance, Brandt répondit qu’il le ferait avec plaisir.
Sur le terrain d’aviation, Schlabrendorff glissa nerveusement
un doigt à travers une petite ouverture aménagée dans le paquet, mit en marche
le mécanisme de la bombe à retardement et la tendit à Brandt au
moment où celui-ci montait à bord de l’avion du Führer. C’était
une arme fort intelligemment conçue. Elle ne comportait pas de mouvement d’horlogerie
indiscret. Quand le jeune officier pressa sur un bouton, une petite bouteille
se brisa à l’intérieur du mécanisme, libérant un corrosif chimique qui se mit à
ronger le fil retenant le ressort. Lorsque le fil se romprait, le ressort
pousserait le percuteur qui frapperait un détonateur, lequel ferait exploser la
bombe.
Selon Schlabrendorff, l’explosion devait se produire peu après
que l’avion aurait survolé Minsk, soit à trente minutes de vol de Smolensk. Pris
d’une excitation fébrile, il appela Berlin au téléphone et en code informa les
conspirateurs que l’Opération Flash était commencée. Puis, le cœur battant, Tresckow
et lui attendirent la grande nouvelle. Ils pensaient qu’ils l’apprendraient d’abord
par un message radio envoyé par un des avions de chasse qui escortaient l’appareil
du Führer. Ils comptèrent les minutes, vingt, trente, quarante, une heure… toujours
rien. Cela ne vint qu’au bout de plus de deux heures : un message
ordinaire annonçait qu’Hitler avait atterri à Rastenburg…
Nous fûmes comme assommés. Je ne pouvais imaginer la cause
de cet échec (devait raconter plus tard Schlabrendorff). Je téléphonai aussitôt
à Berlin et prononçai le mot conventionnel signifiant que la tentative avait
échoué. Puis, Tresckow et moi, nous nous consultâmes sur ce qu’il convenait de
faire. Nous étions terriblement abattus. Il était déjà suffisamment grave que l’attentat
n’ait pas réussi, mais, ce qui allait être pire, c’était la découverte de la
bombe, qui infailliblement dirigerait les soupçons sur nous et entraînerait la
mort d’un grand nombre de nos collaborateurs les plus proches.
La bombe ne devait jamais être découverte ! Le même soir, Tresckow
appelait par téléphone le colonel Brandt et, d’un ton naturel, s’informait s’il
avait eu le temps de remettre son présent au général Stieff. Brandt lui
répondit qu’il n’avait pu le faire encore. Tresckow le pria alors de le
conserver – il y avait eu une erreur de bouteilles – et lui dit que
Schlabrendorff, devant se rendre le lendemain à Rastenburg pour quelque mission
officielle, lui apporterait par la même
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