Le vétéran
point o˘ la Rosebud se jette dans la Yellowstone. Au cas o˘ les Indiens se seraient trouvés en amont de la rivière, il fut décidé que le 7e régiment de cavalerie, qui accompagnait Terry depuis Fort Lincoln, se détacherait du reste des troupes pour remonter la Rosebud
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jusqu'aux sources. Terry tomberait peut-être sur les Indiens ou sur le général Crook.
Personne ne se doutait que le 17 juin, Crook avait rencontré par hasard un grand rassemblement de Sioux et de Cheyennes, et qu'il avait essuyé une défaite. H avait fait demi-tour vers le sud, o˘ il chassait maintenant en toute insouciance. Il ne dépêcha même pas de cavaliers vers le nord pour prévenir les autres ; ils ignoraient donc que personne ne viendrait du sud pour leur prêter main-forte. Ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes.
C'est au quatrième jour de cette marche forcée dans la vallée de la Rosebud qu'une des patrouilles parties en éclaireurs réapparut en clamant sa victoire sur un petit village cheyenne. Elle ramenait une prisonnière.
Le général Custer, qui marchait fièrement en tête d'une colonne de cavaliers, n'avait pas de temps à perdre. Il ne tenait pas à faire arrêter toute son unité pour une seule prisonnière. Il salua le sergent Braddock d'un signe de tête et lui ordonna de faire un rapport au capitaine de sa compagnie. On attendrait le bivouac du soir pour recueillir les informations de la squaw, si jamais elle en avait.
La jeune Cheyenne resta sur le travois pendant le restant de la journée.
L'éclaireur emmena le poney en queue de convoi et attacha ses rênes à l'un des chariots qui transportaient le fourniment. Le poney qui tirait le travois trotta derrière. Comme on n'avait plus besoin de lui, l'éclaireur demeura dans les parages. Le peu de temps qu'il avait passé avec le 7e régiment l'avait convaincu qu'il n'aimait pas son travail, pas plus que le capitaine de sa compagnie et le sergent. quant au célèbre général Custer, il le tenait pour un imbécile présomptueux. H n'avait pas assez de vocabulaire pour formuler la chose en ces termes, et de toute façon il ne dévoilait ses pensées à personne. Ce jeune homme s'appelait Ben Craig.
Son père, John Knox Craig, avait immigré d'Ecosse, chassé de sa modeste ferme par la cupidité d'un laird. Cet individu audacieux s'était installé
aux …tats-Unis au début des années 1840. quelque part dans l'Est, il avait épousé une jeune fille issue comme lui d'une famille écossaise presbytérienne. Trouvant peu
d'opportunités en ville, il était parti à l'ouest, vers la Frontière. En 1850 il était arrivé dans le sud du Montana, o˘ il avait essayé de faire fortune en cherchant de l'or dans les régions sauvages près des contreforts de la Pryor Range, une chaîne de montagnes.
A l'époque, il faisait figure de pionnier. Il menait une existence morne et pénible, affrontant de rudes hivers dans une cabane en bois, près d'un cours d'eau en bordure de la forêt. Seuls les étés étaient idylliques : la forêt regorgeait de gibier, les cours d'eau le pourvoyaient généreusement en truites et la prairie ressemblait à un tapis de fleurs sauvages. En 1852
Jennie Craig mit au monde son premier et unique fils. Deux ans plus tard, elle perdit une petite fille en bas ‚ge.
Ben Craig avait dix ans - un enfant de la forêt et de la Frontière - quand ses parents furent tués par un groupe de guerriers crows. Deux jours plus tard, un trappeur des montagnes du nom de Donaldson découvrit le petit garçon affamé pleurant au milieu des cendres de la cabane calcinée. Us ensevelirent John et Jennie Craig au bord de l'eau et plantèrent deux croix sur leur tombe. On ne saurait jamais si John Craig avait caché quelque part une réserve de paillettes d'or : si les guerriers crows l'avaient trouvée, ils avaient forcément éparpillé la poudre jaune en la prenant pour du sable.
D'un ‚ge déjà avancé, Donaldson était un habitant des montagnes qui chassait le loup et le castor, l'ours et le renard, dont il apportait chaque année les peaux au comptoir le plus proche. Pris de pitié pour l'orphelin, le vieux solitaire le recueillit et l'éleva comme son propre fils.
Sous l'égide de sa mère, Ben Craig n'avait eu accès qu'à un seul livre - la Bible - dont elle lui avait lu de longs extraits. Même s'il n'était pas très doué pour l'écriture et la lecture, il avait retenu^ par cour des passages entiers de ce qu'elle appelait les
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