Le vétéran

tipis en feu n'avaient pas pu passer longtemps inaperçus. Une grande colonne de fumée s'élevait au-dessus de la prairie, visible à des kilomètres à la ronde. Pour l'effet de surprise, c'était un peu tard.
    Peu après quatre heures, le général Custer fit arrêter ses troupes et établit un campement pour la nuit. Au loin, le soleil descendait derrière les Rocheuses invisibles. Les tentes des officiers furent promptement dressées. Custer et ses intimes utilisaient toujours cefie de l'infirmerie de campagne, plus haute et plus spacieuse que les autres. On installa des tables et des chaises pliantes, on mena boire les chevaux, on s'occupa aussi d'allumer les feux de camp et de préparer à manger.
    La jeune Cheyenne reposait en silence sur le travois et regardait le ciel s'assombrir. Elle était prête à mourir. Craig alla rem-229
    plir une gourde au ruisseau et lui offrit à boire. Elle le fixait de ses immenses yeux noirs.
    - Bois, lui dit-il en cheyenne.
    Comme elle ne bougeait pas, il lui versa sur la bouche un mince filet d'eau fraîche. Ses lèvres s'écartèrent et elle avala un peu d'eau. Il laissa la gourde à côté d'elle.
    ¿ la tombée de la nuit, un cavalier de la compagnie B vint le chercher depuis l'autre bout du campement. Dès qu'il l'eut trouvé, il alla faire son rapport. Dix minutes plus tard arrivait le capitaine Acton, accompagné du sergent Braddock, d'un caporal et de deux soldats. Ds descendirent de cheval pour se regrouper autour du travois.
    Tous les éclaireurs de la Frontière attachés au 7e régiment, les six Blancs, le petit groupe de Crows et la trentaine d'Arikaras, qu'on appelait des Rees, étaient liés par un point commun : tous connaissaient bien la Frontière et ses lois.
    Le soir avant de se coucher, ils avaient l'habitude de discuter entre eux autour d'un feu de camp. Ils parlaient des officiers, à commencer par le général Custer, et des capitaines de compagnie. Craig avait été étonné de l'impopularité de Custer auprès de ses hommes. Son frère cadet Tom Custer, qui commandait la compagnie C, était bien plus apprécié, mais le plus détesté d'entre tous restait quand même le capitaine Acton. Craig partageait cette hostilité. Militaire de carrière, Acton s'était engagé peu après la guerre de Sécession. Descendant d'une riche famille de la côte Est, il s'était placé sous l'aile de Custer pour monter en grade dans le 7e régiment. Il était maigre, avec un visage buriné et une bouche à
    l'expression cruelle.
    - Alors, sergent, c'est ça notre prisonnière ? Voyons un peu ce qu'elle a à
    raconter. H ajouta à l'intention de Craig :
    - Vous connaissez le sabir de ces sauvages ? L'éclaireur fit oui de la tête.
    - Je veux savoir qui elle est, avec quel groupe elle se trouvait et o˘ se cachent le plus gros des Sioux.
    Craig se pencha vers la fille étendue sur la peau de buffle. H s'adressa à
    elle en cheyenne, joignant de nombreux gestes à ses paroles : les dialectes des Indiens des Plaines n'offrant qu'un
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    vocabulaire limité, on doit les accompagner de signes pour se faire clairement comprendre.
    - Dis-moi ton nom, il ne te sera fait aucun mal.
    - On m'appelle Murmure du Vent, répondit-elle. Whispe-ring Wind.
    Les cavaliers écoutaient, rassemblés autour d'elle. Us ne comprenaient pas un traître mot de ce qu'elle disait, mais sa façon de secouer la tête était assez éloquente. Craig se redressa pour expliquer :
    - Capitaine, elle dit que son nom est Whispering Wind. Elle fait partie de la tribu des Cheyennes du Nord et elle appartient à la famille de Tall Elk.
    C'est son village que le sergent a détruit ce matin. Il y avait dix hommes
    - dont son père - dans ce village, mais ils étaient tous partis chasser le daim et l'antilope à l'est de la Rosebud.
    - Et le grand rassemblement de Sioux ?
    - Elle dit qu'elle ne les a pas vus. Sa famille venait du sud, de la longue River. D'autres Cheyennes voyageaient avec eux, mais ils se sont séparés la semaine dernière. Tall Elk a préféré chasser de son côté.
    Le capitaine Acton regarda la cuisse bandée, puis il se pencha et la pinça violemment. La jeune fille retint son souffle mais ne laissa pas échapper un cri.
    - Un petit encouragement, fit Acton. Le sergent se mit à ricaner. Craig saisit alors la main du capitaine et l'écarta.
    - «a ne marchera pas, capitaine, elle m'a dit tout ce qu'elle savait.
    Puisque les Sioux ne peuvent pas se trouver au nord, la direction d'o˘