Le vétéran
Burns s'efforça autant qu'il put de tirer quelque chose de chaque prévenu, puis il laissa tomber.
- Je vais demander une prolongation de garde à vue, dit-il à Slade lorsque Priée et Cornish furent retournés en cellule. quatre heures cet après-midi ?
Slade hocha la tête, fl y assisterait, mais ne prendrait pratiquement pas la parole. «a ne serait d'aucune utilité.
- Et j'organise aussi deux séances d'identification, demain matin à St Anne's Road. Si j'obtiens des résultats probants, je procéderai à une inculpation formelle et je les ferai placer en détention provisoire.
Slade opina du chef et s'en alla.
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Dans la voiture qui le ramenait à son bureau, l'avoué commis d'office se disait que tout ça ne risquait pas d'arranger les affaires de ses clients.
Burns faisait du bon travail : complet, minutieux, sans erreurs stupides que la défense aurait pu exploiter. En outre, il était intimement convaincu de la culpabilité des deux lascars. Il avait vu leurs casiers, et le tribunal en prendrait connaissance en fin d'après-midi. quel que soit le témoin mystère, s'il était honnête et campait sur ses positions, Priée et Cornish resteraient à l'ombre pendant un moment.
Dans le temps, les séances d'identification avaient lieu dans les commissariats. Aujourd'hui elles se tiennent dans des locaux prévus à cet effet, dispersés dans toute la ville. Le plus proche du poste de Dover se trouvait sur St Anne's Road, sur le même trottoir que l'hôpital o˘ Priée s'était fait soigner par le docteur Melrose.
Ce nouveau système était plus efficace. Chaque local était équipé
d'estrades, d'éclairages et de miroirs sans tain ultramodernes. Gr‚ce au miroir, on pouvait procéder à l'identification sans que le témoin soit réduit au silence par le regard menaçant d'un quelconque ´ dur ª. Des volontaires - un panel d'hommes et de femmes de taille et d'apparence diverses - se tenaient à la disposition de la police. Moyennant quinze livres, ces volontaires se présentaient, défilaient et repartaient. Burns demanda deux séances pour le lendemain onze heures et fournit une description détaillée des deux détenus.
Les relations avec les médias furent confiées à Luke Skinner, car Burns leur vouait une haine féroce. quoi qu'il en soit, l'inspecteur Skinner s'en débrouillait mieux. C'était en effet un spécimen plutôt rare que ce policier sorti des public schools. Si ses bonnes manières faisaient rire à
la cantine, elles se révélaient parfois très utiles. Toutes les investigations de la presse étaient filtrées par Scotland Yard, o˘ un bureau s'occupait exclusivement des affaires publiques. La presse réclamait une déclaration succincte. Cette histoire ne suscitait pas un grand intérêt. Pourtant, le mystère relatif à l'identité de la victime venait s'ajouter à l'affaire de coups et blessures. Le problème de Skinner était le suivant : il ne pouvait pas fournir un signalement précis de la 31
victime, et encore moins un portrait de celle-ci, puisque son visage boursouflé et couvert de bandages ne risquait pas d'être reproduit. H se contenterait donc de lancer un appel concernant une personne ne s'étant pas présentée à son travail ou à son domicile depuis le jeudi, entre Tottenham et Edmonton. Un individu affligé d'une claudication prononcée, dans les cinquante, cinquante-cinq ans, cheveux courts et grisonnants, taille et corpulence moyennes.
Pour la presse, le mois d'ao˚t est une période creuse. Les médias évoqueraient peut-être l'affaire, mais de manière superficielle. H y avait néanmoins un journal susceptible de la couvrir dans les détails, et Skinner connaissait quelqu'un à la rédaction. H déjeuna avec un reporter de VEdmonton and Tottenham Express, un canard local qui s'intéressait à la zone du poste de Dover. Le journaliste prit des notes en promettant de faire son possible.
Si les tribunaux de la justice civile s'accordent de longues vacances d'été, les rouages de la justice pénale ne cessent jamais de fonctionner.
Plus de quatre-vingt-dix pour cent des violations de la loi relèvent du tribunal de première instance, et la machine judiciaire ne connaît pas d'interruption au cours de l'année. La majeure partie des affaires de routine sont prises en charge par des juges non professionnels qui travaillent bénévolement. Us traitent la masse des délits mineurs : infractions au code de la route, mandats d'arrestation ou de perquisition,
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