Le vétéran

avec les poneys.
    Craig découpa sa couverture en quatre morceaux pour en envelopper les sabots de Rosebud. Le frottement contre les fers et les rochers aurait vite fait d'user l'étoffe, mais elle cacherait au moins les empreintes pendant cinq cents mètres. Il traversa le
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    plateau vers le sud-ouest, en direction des pics. Le plateau couvre cinq miles et n'offre aucun couvert. Au bout de deux miles, l'éclaireur distingua de minuscules silhouettes qui venaient de se hisser sur le plateau. D continua au trot. Ils ne pouvaient ni l'abattre ni l'attraper.
    quelques minutes plus tard, d'autres silhouettes apparurent. Les cavaliers et leurs montures avaient à leur tour rejoint le plateau après avoir gravi les pentes de la forêt. Ils se trouvaient à un mile à l'est des Cheyennes.
    Ben Craig atteignit alors la ravine. Jamais auparavant il n'était monté à
    cette altitude, et il ignorait qu'elle se trouvait là. Lake Fork est étroite et abrupte, avec des pentes couvertes de pins. Au fond coule un cours d'eau glacé. Craig longea le bord, cherchant une pente assez douce pour qu'il puisse traverser. Il la trouva à l'ombre du mont Thunder, mais il avait perdu une demi-heure.
    …puisant ses forces et celles des chevaux, il descendit la ravine et remonta de l'autre côté, sur un dernier plateau rocheux, le Hellroaring Plateau. Comme il sortait du couloir, un coup de feu siffla au-dessus de sa tête. Depuis le côté opposé de la ravine, un des soldats avait surpris un mouvement au milieu des pins. Le contretemps n'avait pas seulement permis à
    ses poursuivants de gagner du terrain, il leur avait aussi montré comment traverser. Devant lui, trois miles de terrain plat s'étendaient jusqu'aux remparts imposants du mont Rearguard. Là, au milieu des éboulis et des grottes, personne au monde ne pourrait le capturer.
    Dans cette atmosphère raréfiée, deux bêtes et deux êtres humains suffoquaient, mais n'en continuaient pas moins leur progression. La nuit n'allait pas tarder à tomber, et ils pourraient se fondre dans les pics et les ravines entre la Montagne Sacrée et les monts Rearguard et Beartooth.
    Là-haut, nul ne serait capable de suivre leur piste. Au-delà de la Montagne Sacrée se trouvait la ligne de partage des eaux, et le terrain descendait ensuite vers le Wyoming. Séparés d'un monde hostile, ils se marieraient et vivraient en pleine nature pour l'éternité. Aux approches du crépuscule, Ben Craig et Whispering Wind laissèrent leurs poursuivants derrière eux et se dirigèrent vers le versant du mont Rearguard. ¿ la nuit tombante ils rencontrèrent les cimes enneigées, là o˘ la blancheur des pics persiste toute l'année. Ils y trouvèrent une corniche plane de cinquante mètres sur vingt. Au
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    bout s'ouvrait une grotte profonde, dont l'entrée était masquée par les pins.
    Dans l'obscurité croissante, Craig entrava les chevaux, qui broutèrent des aiguilles de pin sous les arbres. Il faisait grand froid, mais ils avaient leur couverture en peau de buffle. Après avoir tiré dans la grotte sa sacoche et la couverture qui lui restait, l'éclaireur chargea son fusil, le posa près de lui et étendit la peau de buffle non loin de l'entrée. Il s'allongea dessus avec Whispering Wind et rabattit un pan pour couvrir leurs corps. ¿ l'intérieur de ce cocon, la chaleur humaine se diffusa rapidement. La jeune fille couchée contre lui se mit à bouger.
    - Ben, murmura-t-elle, fais de moi ta femme. Tout de suite. Il commença à
    remonter sa tunique sur son corps impatient.
    - Ce que tu fais est mal.
    Dans le silence complet des hauteurs, la voix usée et tremblante, qui parlait en cheyenne, était très intelligible. Craig, qui avait ôté sa chemise en peau, affronta torse nu l'air glacial. D'un bond il fut à
    l'entrée de la grotte, son fusil à la main. H se demanda comment il n'avait pas remarqué cet homme plus tôt. Il était assis sous les pins, les jambes croisées, à l'extrémité de la corniche rocheuse. Une chevelure gris acier flottait jusqu'à sa taille dénudée, et son visage était aussi plissé et ridé qu'une noisette grillée. Très vieux et d'une immense piété, c'était un cha-man, un visionnaire qui s'était réfugié dans ces solitudes pour je˚ner, méditer et se laisser guider par l'infini.
    - C'est vous qui avez parlé, grand chaman ?
    Ben Craig lui donnait le titre honorifique que l'on réserve aux sages chargés d'années. Il ne comprenait pas du tout d'o˘ il