Le vétéran
partit au nord vers Fort Ellis, sur la piste de Bozeman.
Les Cheyennes se lancèrent à la poursuite du couple ; six hommes qui voyageaient léger et se déplaçaient rapidement, le fusil sur l'épaule, une hachette à la ceinture, une couverture sur le dos de leur poney. Ds avaient reçu des instructions précises : ramener vivante la fiancée de Walking Owl.
Le Blanc, lui, devait mourir.
Les Crows galopèrent vers le nord sans ménager leurs montures. L'un d'eux avait passé l'été dans l'armée et savait que les Tuniques Bleues offraient une récompense importante en échange du Blanc renégat, assez grosse pour permettre d'acheter des chevaux et des marchandises au comptoir. Ils ne rejoignirent jamais la piste de Bozeman. A vingt miles de la Yellowstone, ils tombèrent sur une patrouille de dix cavaliers, commandée par un lieutenant. L'ancien édaireur expliqua ce qu'il savait en se servant surtout de signes, mais le lieutenant comprit ce qu'il voulait dire. Il mena la patrouille vers le sud, guidé par les Crows, essayant de rattraper la piste de Bozeman.
Pendant l'été, la nouvelle du massacre de Custer et de ses hommes avait balayé l'Amérique comme une rafale d'air glacé. ¿ l'est du pays, les puissants de la nation s'étaient réunis à Philadelphie, cité
philanthropique entre toutes, pour célébrer le centenaire de l'Indépendance, le 4 juillet 1876. Les nouvelles venues de l'Ouest dépassaient l'entendement. Une enquête fut immédiatement ouverte.
Après la bataille, les soldats de Terry avaient écume le coteau fatal pour tenter de comprendre le pourquoi du désastre. Les 260
Sioux et les Cheyennes étaient partis depuis vingt-quatre heures et Terry n'avait pas la moindre envie de les poursuivre. Les survivants de Reno avaient été secourus, mais ils avaient juste vu Custer et ses hommes disparaître derrière les collines, et rien de plus. Sur le coteau, on récupéra autant d'indices que possible, tandis que les corps en décomposition étaient ensevelis à la h‚te. Parmi les éléments rassemblés se trouvaient les feuilles blanches abandonnées dans les hautes herbes. Il y avait là les notes du capitaine Cooke. Aucun des hommes présents derrière Custer lors de l'interrogatoire de Ben Craig n'avait survécu, mais les paperasses de l'adjudant-chef en disaient assez long. L'armée avait besoin d'une raison pour expliquer la catastrophe. Et à présent elle en tenait une : les sauvages avaient été prévenus et avaient donc pu se préparer au combat. Sans le savoir, Custer s'était jeté dans une énorme embuscade. En plus, l'armée avait trouvé un bouc émissaire. Contrairement à celle d'incompétence, la notion de trahison était tout à fait recevable. On promit alors mille dollars de récompense à quiconque capturerait l'éclaireur mort ou vif.
On perdit la trace de Ben Craig jusqu'à ce qu'une bande de Crows aperçoive le fugitif débouchant des montagnes à la fin du mois d'octobre, accompagné
d'une jeune Indienne.
La nuit avait permis aux chevaux du lieutenant de se reposer, de manger et de se désaltérer. H partit vers le sud, forçant les montures revigorées. Sa carrière était en jeu.
Juste après le lever du jour, Craig et Whispering Wind atteignirent le Pryor Gap, un défilé qui passait entre la chaîne principale et le pic isolé
du West Pryor. Une fois le défilé franchi, ils traversèrent au petit trot les contreforts du West Pryor et se retrouvèrent dans les badlands, une rude contrée de collines et de ravines herbeuses qui s'étendait vers l'ouest pendant cinquante miles.
Craig n'avait pas besoin du soleil pour s'orienter. Il apercevait son but dans les lointains, étincelant au soleil matinal sous un ciel d'un bleu glacé. Il avait mis le cap sur l'Absaroka Wilderness, o˘ il avait chassé
adolescent avec le vieux Donaldson. C'était une région redoutable, une étendue sauvage de forêts et de plateaux rocailleux o˘ peu de gens parvenaient à se frayer un chemin. Elle montait vers la Beartooth Range.
Même à distance, il voyait les pics, semblables à des sentinelles de glace : la Montagne Sacrée,
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les monts Thunder, Médecine et Beartooth. Là, un homme armé d'un bon fusil pouvait repousser une armée. H profita d'un cours d'eau pour laisser s'abreuver les chevaux trempés de sueur, avant de continuer vers ces pics qui semblaient clouer la terre au ciel. Vingt miles derrière eux, les six guerriers, observant le sol à la recherche des
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