Le vétéran
ses environs. Voici.
H étala la carte sur la table et donna quelques explications. Craig avait déjà vu des cartes d'état-major, mais elles ne présentaient que des blancs, à l'exception des points de repère marqués par les éclaireurs et les trappeurs. Celle-ci était couverte de lignes
et de points.
- Voici le fort, au nord du mont West Pryor. Du côté nord, il donne sur la Yellowstone, et au sud sur les Pryor. Et là, voici Billings, et aussi Bozeman, la ville d'o˘ je viens.
Craig passa le doigt sur les cent miles qui séparaient les deux villes.
- La piste de Bozeman ? demanda-t-il.
- Tout à fait. C'est le nom qu'elle portait dans le temps. Bien s˚r, de nos jours, c'est une autoroute bitumée.
Craig ignorait ce qu'était une autoroute bitumée, mais il présuma qu'il s'agissait de la longue bande de roche noire qu'il avait vue au clair de lune. Des dizaines de villes plus petites figuraient également sur la carte détaillée, ainsi qu'une propriété du nom de Bar-T Ranch, sur la rive sud de la Yellowstone, au confluent avec le Clark's Creek. Il estima qu'elle était légèrement décalée vers l'ouest par rapport à une ligne partant plein nord de Fort Héritage. A vol d'oiseau, elle se trouvait à vingt miles de distance. H remercia le major en lui rendant la carte.
Le soir du 19 octobre Ben Craig alla se coucher de bonne heure. Personne ne s'en étonna. Tous les jeunes gens avaient passé la journée à nettoyer, à
graisser les structures métalliques pour les prémunir contre les froids de l'hiver, à ranger les outils dans des resserres bien abritées pour pouvoir les réutiliser au printemps suivant. Ses compagnons de chambrée se couchèrent vers dix heures et ne tardèrent pas à s'endormir. Aucun ne remarqua que leur compagnon n'avait pas quitté ses vêtements sous la couverture.
¿ minuit il se leva, se coiffa de sa toque en renard, plia deux couvertures et sortit sans faire de bruit. Personne ne le vit se diriger vers les écuries et se glisser à l'intérieur pour seller sa jument. H s'était assuré
qu'elle aurait une double ration d'avoine en vue du surcroît d'efforts qu'elle devrait fournir. quand il eut terminé, il la laissa là et se faufila dans la forge. H s'empara des instruments qu'il avait notés la veille : une hachette et son fourreau, un pied-de-biche et des pinces à
métaux. Avec le pied-de-biche, il fit sauter le moraillon et le cadenas qui fermaient l'arsenal. Une fois dedans, les pinces le débarrassèrent promptement de la chaîne passée dans la sous-garde des fusils. Ils étaient tous factices sauf un. H récupéra son Sharps 52 avant de repartir. H mena Rosebud à la petite porte qui s'ouvrait à l'arrière du fort, non loin de la chapelle. Il retira la barre et sortit. H avait mis ses 311
deux couvertures sous la selle, et roulé la peau de buffle derrière le troussequin. Le fusil dans son étui ballottait devant son genou gauche tandis qu'un carquois en cuir brut et ses quatre flèches étaient accrochés à droite. L'arc se balançait dans son dos. Après avoir conduit silencieusement son cheval par la bride sur un demi-mile, il monta en selle. C'est ainsi que Ben Craig l'éclaireur de la Frontière, unique survivant du massacre de Little Bighorn, quitta l'an de gr‚ce 1877 pour s'engouffrer dans le dernier quart du XXe siècle.
La position de la lune lui apprit qu'il était deux heures du matin. Il avait le temps de franchir au pas les vingt miles qui le séparaient du Bar-T Ranch, afin de ménager les forces de Rose-bud. Se repérant sur l'…toile polaire, il se décala de quelques degrés à l'est par rapport au plein nord qu'elle lui indiquait.
Les terres cultivées succédèrent à la prairie, et il vit ici et là des piquets reliés par du fil de fer. Il les découpa avec ses pinces et poursuivit sa route. Sans le savoir, il traversa la frontière entre le comté de Bighorn et celui de Yellowstone. ¿ l'aube il rencontra les berges du Clark's Creek et suivit vers le nord la courbe du ruisseau. Comme le soleil effleurait les collines à l'est, il aperçut une longue clôture métallique peinte en blanc. Une pancarte annonçait : BAR-T RANCH. PROPRI…T…
PRIV…E. D…FENSE D'ENTRER. Après avoir déchiffré les mots, il continua à
avancer jusqu'à ce qu'il ait trouvé le chemin privé qui conduisait à
l'entrée principale. Il voyait à un mile de distance le portail et l'immense demeure flanquée de granges et d'écuries
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