Le vétéran

magnifiques. Au niveau de la grille, une barrière rouge et blanche bloquait l'accès, près d'une maison de gardien. Une veilleuse brillait faiblement derrière la vitre. H
    s'éloigna d'un demi-mile sous un bouquet d'arbres, ôta la selle de Rosebud et la laissa se reposer en broutant les grandes herbes d'automne. Il prit une matinée de repos mais ne ferma pas l'oeil, toujours sur le qui-vive comme un animal
    sauvage.
    En fait, le chroniqueur mondain avait sous-estime le déploiement de fastes que Big Bill Braddock réservait au mariage de son fils. H avait insisté
    pour que la fiancée subisse un examen complet chez son médecin de famille.
    La jeune fille humiliée n'avait eu d'autre solution que de se soumettre. En lisant le rapport détaillé, il avait haussé les sourcils.
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    - Elle est quoi ? avait-il demandé au docteur. Ce dernier avait regardé les mots que désignait le doigt boudiné.
    - Ah, oui. Aucun doute là-dessus, elle est absolument vierge. Braddock avait approuvé d'un air égrillard :
    - Sacré Kevin, il a bien de la chance ! Et pour le reste ?
    - Rien à reprocher. C'est une belle jeune femme en pleine santé.
    Le décorateur le plus coté sur le marché avait transformé le ranch en un palais de conte de fées. L'autel avait été dressé sur la pelouse d'un arpent, à vingt mètres de la clôture qui donnait sur la prairie. On avait installé face à l'autel des rangées de sièges confortables qui accueilleraient le millier d'invités conviés à la cérémonie. Les futurs mariés descendraient l'allée centrale : d'abord Kevin et son témoin, puis Linda au bras de son nigaud de père, rejoignant son fiancé aux accents de la Marche nuptiale de Mendelssohn.
    Le buffet serait servi sur des tables à tréteaux, derrière les fauteuils.
    On n'avait pas regardé à la dépense. Pyramides de coupes à Champagne en cristal Stuart, flots de Champagne grand cru importé de France - que des bouteilles millésimées. Il tenait à ce que le plus raffiné de ses invités ne puisse pas déceler la moindre fausse note. Des langoustes, des crabes et des huîtres de l'Arctique conservés dans la glace étaient arrivés par avion de Portland. Pour ceux qui trouvaient le Champagne un peu léger, il y avait des caisses entières de Chivas Régal.
    quand il grimpa dans son lit à baldaquin la veille du mariage, Big Bill ne se faisait de souci que pour son fils. Le garçon s'était encore saoulé et il lui faudrait passer une bonne heure sous la douche avant d'émerger le lendemain matin.
    Braddock avait prévu une distraction supplémentaire pour ses hôtes : pendant que les jeunes mariés se changeraient pour partir en voyage de noces dans une île privée des Bahamas, une démonstration de rodéo traditionnel aurait lieu à proximité des jardins. Ces baladins, comme les traiteurs et leurs serveurs, avaient été embauchés pour l'occasion. Le seul personnel à ne
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    pas être engagé seulement pour la journée était le service de sécurité.
    Obsédé par sa sécurité personnelle, Braddock entretenait une milice privée.
    En dehors des trois ou quatre qui ne le quittaient pas d'une semelle, ses hommes travaillaient au ranch comme cow-boys. Cependant, ils avaient l'expérience du combat et des armes à feu, et ils savaient obéir sans sourciller. On les payait d'ailleurs pour ça. Pour le mariage, il avait posté les trente vigiles tout autour de la maison. D'eux d'entre eux surveillaient le portail principal. Son équipe de sécurité rapprochée, sous les ordres d'un ancien Béret Vert, ne le l‚cherait pas une seconde. Les autres feraient office d'huissiers et de service d'ordre.
    Pendant toute la matinée, les limousines et les voitures luxueuses qui ramenaient les invités de l'aéroport se succédèrent devant la grille, qu'on leur laissa franchir après les vérifications d'usage. Soigneusement dissimulé, Craig les observait. Juste après midi arriva le pasteur, suivi de l'orchestre. Une nouvelle file de camions de traiteurs et les cavaliers du rodéo entrèrent par une autre grille, mais Ben ne pouvait pas les voir.
    Peu après une heure les musiciens se mirent à accorder leurs instruments.
    En les entendant, Craig sella sa monture.
    Il tourna la tête de Rosebud vers la prairie et longea la clôture jusqu'à
    ce que la maison du gardien ait disparu. H fonça ensuite vers le grillage blanc, trottant de plus en plus vite. Voyant la clôture approcher, Rosebud ajusta sa foulée et la