Le Voleur de vent
d’Épernon ne doutait certes pas
que le monarque était par ailleurs un homme sale, sans raffinement du corps et
de la tenue, il n’ignorait pas non plus que la belle marquise n’y trouvait
point tant à redire à l’époque où elle imaginait en tirer les plus grands
profits.
Une nouvelle fois, il considéra la jeune femme
qui se laissait aller à telle véhémence et se souvint…
Une dizaine d’années plus tôt, précisément le
1 er octobre 1599, le roi Henri quatrième avait signé au père de la
jeune fille, appelée alors Henriette d’Entragues, acte curieux en forme de
promesse où il s’engageait à épouser cette vierge – qui ne l’était déjà plus
beaucoup ! – si elle lui donnait un fils avant un an. En concomitance, il
faisait d’Henriette d’Entragues une marquise de Verneuil.
Mais la chance ne servit point la toute
nouvelle marquise car, si elle fut bien grosse des œuvres du roi en les bons
délais, et mit bas un fils, celui-ci fut mort-né et le roi considéra dès lors
le pacte caduc. Au reste, Henri quatrième obligea le père d’Henriette à lui
restituer sa promesse le 2 juillet de l’an 1604.
Cependant, la marquise ne reconnut point cette
situation nouvelle, estimant tout au contraire le document en état de validité
et, subséquemment, ne reconnut pas davantage le mariage du roi avec Marie de
Médicis qu’elle jugea comme nul, ayant entre-temps eu du roi un second fils
appelé Henri de Verneuil qu’elle considéra dès lors tel l’héritier légitime du
trône du royaume des lys.
Car être la favorite d’un roi ne suffisait
point à son ambition puisqu’elle souhaitait être entre autres avantages mère du
prochain monarque.
Forte de cette certitude que la justice en
passait par là où elle voulait, elle commença à intriguer avec l’Espagne où l’on
montra grande complaisance à entendre sa cause, le roi Philippe III allant
jusqu’à promettre de reconnaître Henri de Verneuil tel le légitime héritier du
royaume de France.
Dès aussitôt, madame de Verneuil ne modifia
plus sa vision des choses ni n’appauvrit de quelque manière que ce fût sa
résolution et rien, jamais, n’entama sa certitude que le trône devait échoir à
son fils à la mort d’Henri quatrième.
Et peu lui importait que la reine Marie de
Médicis prît ombrage de sa présence en la couche du roi, et qu’elle l’appelât
par-derrière elle « la putane ».
Le duc d’Épernon, auquel la créature à la
petite voix méchante avait fait tenir billet lui ordonnant de recruter la
marquise de Verneuil en son complot de crime de lèse-majesté, songea qu’il
devait se montrer habile. La marquise était riche, très riche, et si le bras
tenant le glaive faisait encore défaut en cette affaire, l’or, lui, ne serait
jamais de trop.
Le duc songea alors aux puissants amis de la
marquise, et à ses bonnes et constantes relations avec l’Espagne. Sans doute, cette
fois encore, les grands noms du royaume seraient en nombre dans cette affaire
quand il n’était point douteux que Philippe III d’Espagne offrirait l’appui
de sa toute-puissance à ceux qui voudraient abattre la hyène puante et
hérétique.
Enfin, la marquise conservait son empire sur
les sens du roi car un vieil amant, souvente fois, forme sa jeune maîtresse à
son désir comme à ses vices et n’en veut point d’autre qui peut se montrer
maladroite dans les gestes de l’amour.
D’Épernon choisit soigneusement ses mots :
— Marquise, en l’entreprise qui nous
réunit, et où d’autres encore se joindront à nous, votre place est de grande
importance.
— Quelle est-elle, cette place ?… demanda
madame de Verneuil non sans méfiance.
Le duc mit de la finesse en son expression :
— Madame, l’hérétique est en grande
dépendance de vous et l’homme satisfait de l’amour qu’il vient de recevoir
devient bavard et sans méfiance.
— C’est là tout ?…
— Non point, madame. Car si Henri
quatrième laisse échapper secrets qui peuvent être utiles à notre affaire, il
est pareillement en votre pouvoir de l’influencer tel que nous souhaitons pour
faire avancer la cause qui nous unit.
— J’entends bien, monsieur le duc, et
puis en grande facilité vous donner cela que vous attendez, mais je ne veux
point qu’on oublie les droits de mon fils au trône de France.
— Si vous-même prenez garde d’oublier qu’il
faudra à ce très jeune roi Premier ministre et grand
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