Le Voleur de vent
venait de lui signaler, le cherchant depuis un certain temps,
mais cette affaire risquait d’être très chaude or, il était fort occupé
ailleurs.
Ainsi, s’arrêter une semaine à
Saint-Vaast-La-Hougue, afin de recevoir une partie du matériel neuf que lui
faisait discrètement livrer monsieur de Sully en le faisant transiter moitié
par Chartres, moitié par Le Mans, ce qui ne pouvait qu’égarer espions espagnols.
En outre, cette semaine devait permettre de sélectionner les quarante-cinq qui
iraient à terre pour accomplir actions voulues par Henri quatrième.
Cela fait, il fallait se rendre à Rouen et y
laisser quelques jours Le Dragon Vert au radoub, profitant de ce délai
pour courir à Paris chercher le reste du matériel de guerre sortant, neuf, des
entrepôts de monsieur de Sully.
Après quoi, le nord… Puis ce fort en les
Pyrénées.
Mais avant tout cela, il comptait prendre
téméraire initiative pouvant faire avancer son autre mission en semant le
trouble chez les comploteurs qui ne s’attendaient aucunement à une attaque
sévère.
Nissac restait toujours sous le vent mais
naviguait au plus près des côtes de Sardaigne qu’il connaissait en grande
perfection.
On n’attendait point navire de cette
importance en ces lieux dangereux et plus d’un paysan eût sursauté de frayeur
en voyant passer si près de son champ l’imposant Dragon Vert. Mais la
chose n’était point possible pour la raison qu’une brume épaisse empêchait d’y
voir au-delà de la poupe pourvu qu’on fût placé sur le gaillard d’arrière.
L’équipage se trouvait en grande anxiété et le
silence imposé par l’amiral n’arrangeait point les choses. Charles Paray des
Ormeaux lui-même, le second, jetait parfois bref regard à Nissac, debout sur la
dunette, élégant, froid et silencieux. On ne pouvait rien lire sur son visage, ni
ses intentions, ni ses sentiments.
Depuis plus d’une heure les canonniers se
tenaient à leur poste, prêts au combat. Au moins, canons pointés, avaient-ils
comme les hommes de manœuvre quelque tâche qui les occupa quand l’infanterie en
l’attente de l’assaut demeurait avec ses pensées.
Isabelle se tenait sur le gaillard d’arrière
avec conseil – cependant assez ferme ! – de se réfugier en la galerie de poupe
sitôt le premier coup de canon mais, malgré elle, elle s’éloignait de l’ouverture
de la galerie et s’avançait sur le pont pour lever les yeux vers Nissac
immobile sur la dunette.
Elle comprit tout soudainement pourquoi l’homme
qui était devenu sa vie même était si follement aimé de son équipage. Avec lui,
la défaite paraissait chose étrangère au Dragon Vert. Il se dégageait de
l’amiral impression de force et d’intelligence, de grande sûreté en les
manœuvres, comme si son esprit prenait possession de celui des capitaines
barbaresques afin de connaître leurs pensées avant même qu’elles leur fussent
venues.
Devançant les vigies et les plus expérimentés
des marins, Nissac lança :
— Attention, ils sont là.
La brume se déchira un instant et l’on vit une
puissante galère.
Nissac lança un ordre et toutes les pièces de
tribord ouvrirent le feu. Prise de vitesse, la galère fut démâtée de partout, son
pont ravagé, pauvre navire transformé en l’état de ponton allant à la dérive
avec un équipage qui se demandait quelle colère divine venait de s’abattre sur
le vaisseau.
Une deuxième galère apparut et Nissac, imperturbable,
songea : Tiens, la galère de ce bandit de capitaine Van Thorbeck !
Il observa le renégat hollandais puis l’artillerie
du Dragon Vert se déchaîna. Touchée en sa salle des poudres, la galère
explosa, ses restes coulant aussitôt.
Les hommes d’équipage allaient quitter leurs
postes lorsque, par habitude, ils levèrent les yeux sur Nissac. Celui-ci n’avait
point bougé, restant attentif, et un marin souffla au mousse :
— S’il ne bouge pas, c’est qu’il en est d’autres.
C’est chose singulière : il flaire l’ennemi avant que de le voir !
Une troisième galère apparut mais cette fois, l’effet
de surprise ne joua point car elle ouvrit le feu la première. Par chance, la
main des canonniers avait tremblé en reconnaissant, à la proue du galion, dragon
sculpté en le chêne et peint en vert. Tous savaient quel était ce navire, et
qui le commandait. Aussi n’affronte-t-on pas sans appréhension homme qui ne fut
jamais vaincu en combat naval et la
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