Le Voleur de vent
comte d’Arundel, commandant la flotte anglaise partie de
Southampton avec nombreux vaisseaux et une importante troupe de courtisanes… que
d’Arundel fit cruellement jeter à la mer pour alléger son navire menacé par une
tempête.
Cependant, il répondit :
— Pelhman est homme sans honneur. De
surcroît, beaucoup moins habile qu’il ne l’imagine en son imbécile vanité.
— Et il ne craint point d’attaquer ainsi
amiral du royaume de France ?
Nissac sourit :
— Nos rois s’intéressent bien peu à notre
marine et je n’ai jamais eu pour toute escadre que Le Glorieux, qui fut
coulé voici une année alors que je n’étais point à ses côtés. Je n’ai pas davantage
de pouvoir qu’un simple capitaine d’une marine étrangère. Quant à l’amiral que
je suis censé servir en second me trouvant responsable des mers du Levant, ce
duc d’Épernon qui a le titre de « Grand Amiral de France », on ne l’a
jamais vu sur un navire ou dans un port.
Isabelle regarda les voiles lointaines de L’Eldorado.
— Lui
échapperons-nous ?
— Douteriez-vous de moi ? répondit-il
en souriant.
Pendant deux jours pleins, on vit L’Eldorado qui, en sa chasse, parfois se rapprochait pour reperdre aussitôt ce terrain
gagné. Enfin, la troisième nuit, sans lune ni étoiles, Le Dragon Vert s’échappa
tout de bon.
Au matin, William Pelhman entra en grande
colère, frappant et injuriant les marins qu’il croisait, puis il s’en alla
boire de l’eau-de-vie en jurant contre Dieu.
Il s’en voulait de ne point avoir réussi à
couler Le Dragon Vert qui, à lui seul, représentait Henri quatrième, roi
de France, en les mers du Levant et parvenait à y faire régner un certain ordre
car sa valeur était telle qu’on le craignait davantage que plusieurs navires. Au
moins ne le verrait-on de quelques mois, se disait le capitaine barbaresque
pour trouver consolation.
Le soir tombait sur ce jour commencé en la
déception. William Pelhman s’efforça de chasser de ses pensées Le Dragon Vert et le maudit amiral qui le commandait. À présent, tous deux devaient se trouver
loin, se traînant vers la côte pour y panser les plaies du galion.
Lorsque…
Le colonel espagnol
José de Sotomayor, flanqué de la fine lame Levrault et de trois autres spadassins
de « L’Âne mort », n’avait guère apprécié de rater l’homme qu’il
devait tuer – lui aussi ! –, cet amiral de Nissac protégé de Dieu… et des
femmes !
Car, ayant reconnu tel qu’en la description
qui lui en avait été faite, le carrosse où voyageait cette jolie baronne
Isabelle de Guinzan, il ne s’était point gêné pour le faire arrêter, interrogeant
sans douceur le magistrat d’Orléans. Celui-ci, en grande bonne volonté de
donner tous renseignements qu’on sollicitait de lui, expliqua comment la
baronne disparut après être montée derrière le comte de Nissac sur splendide
cheval aux étranges et beaux yeux fixes.
Sotomayor s’étonnant de ne point avoir croisé
le couple, le complaisant magistrat expliqua que la baronne ayant bonne
connaissance du pays entre Étampes et Orléans lui avait sans doute fait
traverser champs et vallons pour gagner quelques lieues.
Sotomayor laissa donc Levrault et ses
compagnons prendre bourse du magistrat, considérant que ces hommes ne faisaient
que leur misérable métier. En revanche, il entra en grande colère lorsque les
spadassins ouvrant un coffre en sortirent en riant bas de soie noirs ou
incarnats ainsi que vêtements plus intimes appartenant à cette jeune femme
blonde qu’il avait vue en grande proximité de l’amiral français, ayant même, comme
il le déplorait, sauvé la vie de celui-ci.
Ainsi était fait ce noble Espagnol qui, s’il
acceptait de tuer le comte de Nissac, ne voulait point perdre son estime, et c’eût
été à coup sûr ruiner sa réputation auprès de lui que de lui donner l’impression
que de dépit, il se vengeait sur le bagage de la baronne.
Il inspecta néanmoins, par devoir, les bagages
de celle-ci et malgré lui, porta discrètement à son visage petite pièce de soie…
Tout ce linge, immaculé, sentait curieusement le pois de senteur, parfum peu
répandu. Une seule de ces pièces avait été portée, sans doute la veille au soir,
et l’Espagnol, respirant très discrète odeur de femme, fut pris d’un violent
désir…
Allait-il, après avoir admiré le comte, tomber
amoureux de la baronne ?
Il tenta de chasser cette
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