Le Voleur de vent
Sousseyrac redescendit d’un des
galions, suivi de ceux de Yasatsuna et Fey des Étangs, tous n’étant séparés que
par un très bref instant. Peu après, le groupe de Valenty redescendit à son
tour en grande hâte.
Et ce fut tout.
Sans attendre, le comte de Nissac s’élança, les
siens à sa suite.
Sabre entre les dents, il entreprenait l’escalade
des flancs du galion lorsque exclamations et jurons en langue espagnole
retentirent.
Dès aussitôt qu’il posa le pied sur le pont du
vaisseau, Nissac mesura l’ampleur du désastre : Louis de Sèze, comte de La
Tomlaye, gisait sur le pont, un sabre passé en travers de la poitrine, et trois
de ses hommes étaient morts quand les deux derniers, acculés près du bord, tentaient
de vendre chèrement leur peau.
Nissac chargea seul, et avec une telle
violence, que les Espagnols, qui se trouvaient une quinzaine, reculèrent avec
stupéfaction. La chose facilita l’arrivée du groupe Nissac où la baronne de
Guinzan, cheveux blonds au vent, engagea aussitôt le fer, tuant un officier qui
eut le tort d’hésiter face à une femme.
La situation empirait car, si les dix du
groupe Nissac se trouvaient à l’ouvrage, d’autres Espagnols arrivaient de l’intérieur
du navire et leur nombre semblait sans limites.
Mais c’est alors qu’obéissant à ordre
confidentiel de l’amiral ayant prévu semblable cas, les chefs des autres
groupes entraînèrent leurs hommes à la rescousse, jetant grappins en côtés
différents, prenant Espagnols à revers, semblant une multitude.
Entrepris de partout, incrédules devant l’attitude
du baron de Sousseyrac qui, tenant Espagnol par les pieds, balayait l’espace
devant lui avec le corps de sa victime, effarés plus encore par le seigneur
Yasatsuna qui coupait vingt têtes à la minute, moissonnant ces têtes en les
décollant juste sous le casque, les Espagnols, qui avaient perdu les plus
vaillants d’entre eux, crurent plus avisé de refluer vers l’intérieur du navire
en s’y barricadant.
Nissac se jeta sur un des deux survivants du
groupe La Tomlaye :
— Poudre est-elle en place ?
— Oui, monsieur l’amiral.
Il eût fallu faire très rapidement, on alla
plus vite encore.
Cadavres des hommes du Dragon Vert furent jetés du haut du galion puis on descendit, sautant parfois de fort haut
sur la glace.
Il s’avérait nécessaire de traîner les corps
des camarades tout en s’éloignant le plus vite possible. Déjà, sur d’autres
galions, quelques Espagnols – heureusement fort peu nombreux – réveillés
déclenchaient tir de mousqueterie, qui tua deux nouveaux hommes du Dragon
Vert.
Cependant, le plan audacieux et très précis
jusqu’en les détails du comte de Nissac fonctionna avec parfaite discipline. En
effet, vingt hommes du Dragon Vert, préparés à pareille action, formèrent
ligne d’arquebusiers et déclenchèrent un tir qui, plus précis que celui de
mousqueterie des Espagnols, impressionna ceux-ci, soulageant pression sur les
survivants de l’attaque.
Courte distance fut encore nécessaire pour se
mettre à l’abri et un second tir d’arquebuses des Français intimida définitivement
les Espagnols.
Les trente-trois survivants du Dragon Vert comptaient plusieurs blessés. Les hommes épargnés ramenaient sur leurs épaules
les cadavres de sept des leurs et ils s’éloignaient davantage encore lorsque…
L’explosion figea d’abord chacun, puis fit
tourner toutes les têtes. Un des galions venait littéralement d’exploser, transformé
en petit bois. Un second eut l’arrière arraché, qui fut coupé net du reste du
navire, poupe tombant sur la glace qu’elle brisa.
Explosions jetaient magnifiques lueurs
orangées vers l’est, qui, chatoyantes, se reflétaient fort loin sur la banquise.
Troisième explosion coupa un navire par le
travers en deux et madame de Guinzan qui frémissait à chaque nouvelle secousse
sentit deux mains solides se poser sur ses épaules. Elle se retourna et vit l’amiral
qui lui faisait face. Elle ferma un instant les yeux, paupières chatouillées
par frémissantes et douces plumes blanches, bleues et vertes du chapeau de l’homme
qu’elle tant aimait.
Quatrième galion explosa à son tour, par le
milieu, et dizaine d’Espagnols sautèrent du bord mais beaucoup de ces courageux
marins furent happés par la mer car glaces s’étaient brisées sous la violence
du choc et se reformaient instantanément au-dessus des malheureux.
Enfin,
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