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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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Non, trop loin encore. Et
les Espagnols les talonnent. Je crois qu’ils sont perdus.
    Si le second du Dragon Vert se trouvait
hélas demi-aveugle, son esprit, lui, n’était point altéré, aussi songea-t-il :
« On est bien souvent perdu lorsqu’on en décide ainsi. Voyons, se trouvant
à ma place, qu’aurait fait monsieur l’amiral ? »
    Portant sur ses
épaules le cadavre de Louis de Sèze, dernier comte de La Tomlaye, l’amiral de
Nissac fermait la marche. Car ainsi est le destin de ceux qui mènent les autres
en l’honneur et le courage d’être toujours premier à l’attaque et dernier en l’arrière-garde.
    Les Espagnols, qui tenaient nombreuses torches,
étaient tout proches et Nissac envisageait sa mort avec grande perplexité. Il
ne l’avait jamais imaginée ainsi.
    La neige avait cessé de tomber et l’amiral
observait ce paysage balayé par un vent polaire.
    Les mers du Levant lui manquaient. Il songea à
ces paysages à l’est de Toulon, petits ports de pêche endormis sous le soleil, criques
cernées de pins allant jusqu’à la mer, chênes des massifs et platanes des
places de village, maisons aux tuiles rouges et rondes, odeurs violentes de
thym, romarin et eucalyptus, couleurs joyeuses des œillets et du mimosa, stridence
lancinante du cri des cigales, mer embrassant le ciel à l’infini en une
éternelle étreinte bleue…
    Rêveur et souriant, car beau joueur devant la
mort, il dit adieu à tout cela, murmurant :
    — Ce bleu… Tout ce bleu… Comme j’aurai
passionnément aimé le bleu !…
    Puis il se raidit, voyant que la baronne
Isabelle de Guinzan l’attendait en désobéissance des ordres car il lui avait
enjoint de marcher en tête de la petite colonne en retraite.
    Mais sa colère tomba aussitôt, et pour trois
raisons.
    La première se trouvait qu’ils allaient sans
doute mourir tous deux, alors à quoi bon prendre grosse voix faussement
courroucée ?…
    La seconde était qu’il la trouvait si jolie et
tant émouvante, cheveux blonds au vent, air déterminé, trois arquebuses sur ses
frêles épaules, des pistolets et un sabre à la ceinture, portant armes de ceux,
marins et soldats du Dragon Vert, qui se trouvaient eux-mêmes chargés
des cadavres de leurs camarades.
    La troisième, tellement évidente, était qu’il
l’aimait. Il l’aimait bien plus que sa propre vie.
    Il la regarda en souriant puis, se retournant
un bref instant, il vit les trois cents Espagnols qui s’apprêtaient à charger.
    Aussi, puisque la fin était si proche, se
décida-t-il à lui avouer qu’il l’aimait en grande folie :
    — Madame…
    Il s’interrompit en entendant la clameur des
Espagnols qui chargeaient au pas de course, décidés à parcourir la cinquantaine
de toises qui les séparaient de la petite formation française.
    Ne semblant point troublée par mort si proche,
Isabelle répondit :
    — Monsieur ?…
    Il fut émerveillé par pareil calme et si
inflexible détermination. Elle attendait ses paroles, il le savait, et n’entendait
point la priver de ce plaisir.
    — Madame, puisqu’il n’est plus guère d’espoir,
je me résous enfin à vous avouer que je vous…
    Il s’interrompit.
    Formidable tir d’artillerie venant du bâbord
du Dragon Vert retentit. Les pièces crachèrent toutes ensemble, les
coups de départ révélant et illuminant un instant la haute silhouette sombre du
puissant vaisseau de guerre. Illuminant également la nuit, et les barques qu’on
vit plus proches qu’on ne l’imaginait. Les marins et soldats français, tous
ensemble, regardèrent vers les Espagnols et cette fois encore, l’amiral de
Nissac put se féliciter d’avoir ainsi entraîné ses vaillants canonniers qu’on
disait les meilleurs du monde.
    Car chose belle et tragique se déroulait à
proximité des Français, découlant du tir précis de l’artillerie du Dragon
Vert. En effet, seconde puis troisième salve confirmant la chose, les
canonniers ne visaient point les espagnols mais la croûte de glace juste devant
eux. Et celle-ci se fendillait lentement…
    Un vieux
mousquetaire espagnol, devinant ce qui allait advenir, prépara le tir de son
mousquet vers l’homme au beau chapeau à plumes qui semblait le chef des
français.
    Il hésita.
    Tireur d’élite n’ayant jamais raté son affaire
depuis plus de dix ans, il savait que son tir serait de grande précision et qu’il
allait tuer son homme.
    Mais une chose le troublait infiniment chez le
chef français,

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