Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
l’œuvre maléfique du Lebensborn , ses théories génétiques, ses procréations hors mariage, ses rites païens. Mais, en mai 1945, il semble également avoir calmé les rancœurs des villageois. Après avoir tenté de saccager la maternité, ces derniers étaient prêts à chasser manu militari les mères et les infirmières. Un exutoire commode, à défaut de pouvoir se venger des véritables responsables du désastre allemand…
Une autre figure locale va apporter une aide capitale aux pensionnaires de Hochland . Il s’agit du baron Otto von Feury. Ce grand notable, établi sur son domaine de Thailing, à un kilomètre et demi du village de Steinhöring et de la maternité, est un personnage original. Né en 1906 à Munich, Otto Kajetan Freiherr von Feury est le fils de deux aristocrates : un officier tué durant la Première Guerre mondiale et une descendante de la famille von Hirsch. Le jeune homme a fait des études dans la finance ; il a d’ailleurs été formé dans une banque de Londres, dans les années 1930.
En ce mois de mai 1945, le baron, 39 ans, sillonnera la campagne environnante afin de trouver de la nourriture pour les enfants. C’est ce que m’a raconté Johann Preimesser, 80 ans, l’un des membres de la société d’histoire de Steinhöring, lorsque je me suis rendu sur place. « J’ai bien connu le baron von Feury à la fin de sa vie. En mai 1945, il avait pu conserver une voiture. Les Américains lui ont donné de l’essence. Il a fait le tour de toutes les fermes, en usant de son statut, pour convaincre les paysans de fournir des vivres. Au Heim, il ramenait du lait et des pommes de terre . C’était inestimable à l’époque. » Après-guerre, Otto von Feury deviendra président du syndicat des agriculteurs de Bavière. Il siégera ensuite à la Diète bavaroise, le parlement régional, puis au Bundestag, sous les couleurs de la CSU, l’Union chrétienne-sociale. Il est décédé en 1998, dans sa 92 e année. Aujourd’hui, une rue porte son nom à Steinhöring, non loin de l’ancienne nursery du Lebensborn . Mais peu de gens se souviennent que cet aristocrate, très catholique et très conservateur, pesa de tout son poids, en ces temps de sauve-qui-peut général, pour nourrir des enfants « maudits ».
Retour en mai 1945 : à la maternité, malgré les bonnes volontés, il reste un problème de taille à résoudre. Après l’arrestation de Gregor Ebner, transféré à Munich, il faut trouver d’urgence un médecin capable de reprendre la situation en main. Beaucoup d’enfants, en état de malnutrition, sont également malades. Des cas de diphtérie font leur apparition. Les Américains vont cependant trouver l’homme idoine dans un camp de prisonniers des environs. Quand ils font le tour des détenus, le docteur Joseph Kleinle, médecin de la Wehrmacht, se présente à eux. L’homme était pédiatre avant-guerre. Immédiatement réquisitionné, Kleinle, originaire de Regensburg, à 130 kilomètres au nord-est de Munich, pense qu’il va simplement donner un coup de main provisoire. Il prend ses fonctions le 15 mai 1945. Johann Preimesser, de Steinhöring, m’a expliqué que le doktor Kleinle est resté jusqu’en… 1967, l’année de la fermeture définitive de l’hôpital.
En attendant, sur place, les besoins sont immenses. Alors, on pare au plus pressé. On fait revenir les religieuses qui, avant-guerre, tenaient le foyer catholique pour enfants. Pendant plusieurs semaines, la cohabitation entre les sœurs salésiennes et les infirmières Nationales-socialistes va s’avérer délicate. Ces dernières qui, pour certaines, sont mères d’un enfant du Lebensborn , ont du mal à réaliser que leur heure est passée. Elles sont désormais non seulement des coupables, mais des réprouvées. Et les religieuses ne se privent pas de leur faire comprendre.
Le nouvel hôpital pour enfants de Steinhöring, lui, prend forme. Kleinle se montre à la hauteur. Dans les mois, puis les années qui vont suivre, l’établissement va recevoir de nombreux pensionnaires. Car, dans toute la Haute-Bavière, de Berchtesgaden à Munich, il n’existe plus aucun autre lieu d’hospitalisation spécifique pour les petits Allemands. Steinhöring devient un site d’accueil pour de nombreux enfants malades, ou victimes des derniers combats de 1945.
Quant aux enfants du Lebensborn , ils vont progressivement quitter les lieux. Certaines mères allemandes sont autorisées à
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