Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
rentrer chez elles, avec leur progéniture. Les autres, les bébés enlevés – à qui on a volé jusqu’à leur identité –, seront bientôt transférés vers un centre d’accueil spécialisé pour enfants des Nations Unies. Il semble que les premiers enfants aient fait le voyage en juillet et août 1945. La date de ce transfert figure dans leur dossier individuel conservé aux archives de la Croix-Rouge. Ainsi, au moins six enfants que nous connaissons déjà ont été confiés aux équipes des Nations Unies, le 17 août : Songard et Anika, nées à Wégimont, ainsi qu’Ingrid, Édith, Helga et Jean-Pierre, originaires de Lamorlaye.
Le dernier groupe d’enfants quittera Steinhöring le 14 décembre 1945. Après avoir participé à une ultime cérémonie. J’ai retrouvé dans plusieurs dossiers – ceux de Gisela Magula, Alfred L., Georges D. ou Ute R., notamment – un document identique. Cette feuille dactylographiée porte la signature du père Ludwig Koeppel. Ce jour-là, le 14 décembre, le curé de Steinhöring a baptisé collectivement, suivant le rite catholique, les derniers enfants présents dans l’ancienne maternité nazie. Au-delà de sa signification religieuse, ce sacrement avait certainement aussi comme portée symbolique de laver les petits du Lebensborn de la cérémonie païenne que leur avaient auparavant imposée les SS. Cette fois, le sortilège de l’office L était définitivement rompu.
À cette date, les dirigeants des « Fontaines de vie » avaient tous mordu la poussière. Résigné, Gregor Ebner avait attendu l’arrivée des Américains, le 3 mai précédent. Günther Tesch, qui était rentré chez lui, pensant se faire oublier, fut arrêté le 13 du même mois. Max Sollmann fut emprisonné le 6 juillet 1945.
Mais il restait un homme : le grand maître de l’Ordre noir. Le mercredi 23 mai 1945, dans l’après-midi, un groupe d’une vingtaine de suspects allemands, civils et militaires, fut arrêté par une patrouille britannique, près de Lüneburg, dans le Nord de l’Allemagne. Ils furent rapidement dirigés vers un camp d’interrogatoire 3 . Alors qu’il procédait à une première vérification d’identité, l’officier de service du camp britannique, le capitaine Selvester, fut alerté par des gardes : trois hommes exigeaient d’être entendus sur le champ. Intrigué, l’officier les fit amener dans son bureau. Les deux premiers, de haute stature, portaient un accoutrement mêlant effets civils et militaires. Selvester les fit rapidement sortir pour s’intéresser au troisième homme, qui semblait être le leader. Plutôt petit, l’air maladif, l’individu, aux vêtements déchirés, portait un bandeau noir sur l’œil droit. Brusquement, il arracha cet artifice, chaussa une paire de lunettes et lâcha : « Ich bin Heinrich Himmler ». Après avoir acquis la certitude qu’il était bien en face de l’ancien Reichsführer-SS , le capitaine Selvester le fouilla. Dans la veste d’Himmler, il trouva des papiers au nom de Heinrich Hintziger, prétendument sergent dans la Wehrmacht. Puis, une petite boîte renfermant une ampoule de verre emplie d’un liquide incolore. Il s’agissait évidemment d’une ampoule de cyanure. Poursuivant sa fouille, l’officier tomba sur une seconde boîte. Vide.
Feignant d’ignorer ce détail, Selvester fit ensuite servir du thé et des sandwichs à son prisonnier. Plus tard, Himmler fut interrogé en présence d’un second officier des services secrets britanniques. Il se montra plutôt coopératif. Une fois l’interrogatoire terminé, vers minuit, l’ex-homme le plus puissant du Troisième Reich après Hitler fut transféré au Q.G. de la 2 e armée britannique. Là, il fut soumis à une visite médicale poussée. C’est alors que le médecin, le forçant à ouvrir la bouche, y aperçut un petit objet. Il tenta par la force de l’en retirer. Himmler détourna brutalement la tête, croqua l’ampoule et s’effondra. Trois jours plus tard, en présence de quatre militaires britanniques, le grand ordonnateur de la mort programmée de millions de gens, l’homme qui avait voulu éliminer les « inférieurs » pour leur substituer une élite de sang nordique, fut enterré en un lieu secret. Sans aucune forme de cérémonie.
1 - Dachau : le premier camp de concentration ouvert, en mars 1933, sur l’ordre de Heinrich Himmler.
2 - Auparavant, il a empoisonné sa chienne Blondi. À 15 heures
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