Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
Wolfgang est très certainement le dernier enfant né dans un Lebensborn .
Deux jours plus tard, le 3 mai, des blindés de la 3 e armée américaine se positionnent autour de la nursery. Les G.I. ont obtenu un renseignement leur indiquant que des SS se cachent à Steinhöring. Ils ne vont en trouver qu’un seul : Gregor Ebner qui, à leur arrivée, a conservé son uniforme d’ Oberführer . Les Américains hésitent à le fusiller sur le champ, avant de se raviser.
Ils sont bientôt sidérés de découvrir que la grande demeure abrite, outre quelques mères et une poignée d’infirmières, une ribambelle d’enfants, âgés de quelques semaines à moins de quatre ans. Combien sont-ils exactement ? Environ 300, diront quelques rares témoins allemands. Une liste utilisée ultérieurement par les services américains recensera l’identité de 162 enfants, dont on connaît la nationalité, le lieu de naissance probables et, pour la plupart, l’identité de leur mère, voire, dans quelques cas, de leur père. C’est cette liste que m’a adressée Kathrin Flor, l’attachée de presse de la Croix-Rouge, au début de mon enquête. Or, elle présente une particularité : elle est rédigée en allemand. Il s’agit donc d’un document établi soit par le Lebensborn , soit par les infirmières allemandes après l’arrivée des Américains. Il a en tout cas servi de base de travail pour les équipes des Nations Unies qui tenteront de retrouver l’origine des enfants.
Mais ce document dactylographié de cinq pages est incomplet. À l’origine, il devait comprendre neuf feuillets. Il y manque la troisième, quatrième, huitième et neuvième page. Ont-elles été brûlées durant l’opération de destruction des archives par les SS ? C’est une possibilité. Sur cette liste, les enfants sont classés par ordre alphabétique, de 1 à 162, mais il y manque les « numéros » 40 à 75, le 93, et les derniers de la liste, de 136 à 162. En tout, 98 noms sur 162 sont mentionnés.
Parmi ces 98 enfants :
18 sont nés sur place, à Hochland, Steinhöring.
14 au foyer Pommern , Bad Polzin.
11 à Wienerwald , Pernitz, en Autriche.
10 à Taunus , Wiesbaden.
6 à Schwarzwald (Forêt-Noire), Nordrach.
1 à Harz , Wernigerode.
21 dans un lieu incertain.
2 en Norvège.
Tous ces enfants sont, a priori, de père allemand et de mère allemande ou de souche germanique ( Volksdeutsche ).
Mais on retrouve aussi sur cette liste sept enfants identifiés comme étant nés à Wégimont. Nous connaissons déjà leur nom : Hans Dieter B., Songard B., Gisela Magula, Willy O., Georg Frank P., Christiane S. Trois autres enfants, provenant de la maternité Ardennen de Wégimont, figurent aussi sur le document, mais leur lieu de naissance est unbekannt : « inconnu ». Walter Beausert porte le numéro 13. Gisela Magula, le 22 ; la petite Heidrun de B. – dont le nom est mal orthographié – le 79. Par ailleurs, 5 enfants recensés sont nés à « Paris » ou en « Frankreich ». Il s’agit évidemment d’Ingrid de Fouw, Helga M., Édith de V., Jean-Pierre P. et Ute R. Le nom de Lamorlaye n’est pas mentionné. Cette information, comme tant d’autres, émergera durant les mois suivants.
Pour le moment, le petit détachement de soldats de la 3 e armée U.S. arrivé à Steinhöring a d’autres priorités. En attendant le renfort d’unités spécialisées, les G.I. vont endosser le rôle d’intendants d’une nursery en perdition. Ils vont pouvoir compter sur quelques bonnes volontés locales afin de transformer l’endroit en hôpital pour enfants.
Il y a tout d’abord Paula Hessler, l’infirmière Nationale-socialiste qui a refusé d’abandonner les petits rapatriés de Bad Polzin. Cette femme courageuse va s’investir totalement dans sa tâche, à tel point que les autorités d’occupation américaines la laisseront exercer par la suite à Steinhöring. Elle deviendra l’infirmière principale de l’hôpital. Frau Hessler s’installera dans les environs et y poursuivra sa carrière. En 1967, l’ancienne « infirmière brune » recevra la Croix fédérale du mérite, la plus haute distinction civile allemande.
Il y a ensuite le père Ludwig Koeppel. Évincé en 1936 par les SS de l’ancien foyer catholique pour enfants, en même temps que les religieuses, le curé du village va veiller à remettre tous les pensionnaires de Hochland dans le droit chemin. Antinazi, Ludwig Koeppel condamnait
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