Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
grâce à Anna Andlauer. Le lendemain, je suis rentré à Paris. Iris Apé avait transmis à Marie-Cecilie Zipperling, de la WAst, l’adresse des trois personnes portant le même nom que sa demi-sœur Christiane. Tout en espérant que ces courriers déboucheraient sur une piste, j’ai entrepris de reconstituer les itinéraires divergents qu’avaient empruntés Marguerite et Werner soixante-dix ans plus tôt.
En juin 1941, le lieutenant SS Werner Reimer quitte Paris pour rejoindre l’est de la Pologne, avec son régiment d’artillerie blindée. Le 22, à 3 heures 15 du matin, le déclenchement de l’opération Barbarossa prend l’Armée rouge par surprise. La division Totenkopf , jointe au groupe d’armée Nord, progresse rapidement en pays Baltes, d’abord en Lituanie, atteint Riga (Estonie), puis Tallin (Lettonie) et fonce sur Léningrad. Sur son chemin, elle écrase toute résistance. Les troupes régulières de la Wermacht et la Waffen-SS sont suivies de près par les Einsatzgruppen , les fameuses « sections d’intervention ». Ces brigades mobiles sont chargées de massacrer tous les ennemis potentiels du Reich : les communistes, les démocrates, le clergé, l’aristocratie, les francs-maçons, l’intelligentsia et en premier lieu, tous les juifs. Elles interviennent immédiatement après le passage des unités combattantes. À peine un territoire conquis, les Einsatzgruppen sillonnent villes, villages et campagnes, procèdent aux arrestations, souvent grâce à des dénonciations locales, et assassinent par balles tous les « ennemis », hommes, femmes, enfants, au bord de fosses communes. Les tueurs s’efforcent également de pousser la population à déclencher des pogroms. Dans certaines régions, leur désir est devancé par des habitants ivres de haine, qui justifient leur antisémitisme en accusant les juifs d’avoir été les agents de l’oppression communiste.
À la fin de 1942, les quatre Einsatzgruppen – A, B, C et D – auront fait plus d’un million de victimes en Europe de l’Est 1 . Le lieutenant SS Werner Reimer, 27 ans, est-il au courant de ce qui se passe à l’arrière du front ? C’est évident. A-t-il pu y assister ou y participer ? C’est très peu probable. Qu’en pensait-il ? Nous ne le saurons jamais.
Le 10 août 1941, au cours des combats intenses autour de la ville de Louga, sur le fleuve du même nom, à 146 kilomètres au sud de Léningrad, Werner Reimer est blessé en haut de la colonne vertébrale, par des éclats de grenade. À ses côtés, le général Mülreustadt est tué sur le coup. Plusieurs photographies, prises quelques jours après la déflagration, montrent Werner, l’air totalement hagard. Il est en état de choc. Ses blessures ne semblent pas trop graves, mais il est tout de même évacué vers l’hôpital de campagne de Pljussa, à la frontière russo-estonienne. Après avoir transité par l’hôpital militaire d’Intersburg, il est admis, le 21 août, dans l’établissement Theresienheim , à Fulda, sa ville d’origine. Durant sa courte convalescence, il peut donc voir sa famille. En a-t-il profité pour écrire à Margrit ? Quand et où a-t-il reçu la première lettre venant de Paris ? Impossible de le savoir. Le 11 septembre suivant, le lieutenant Reimer est de nouveau à Riga. À l’hôpital militaire, il est déclaré apte au service. Il rejoindra donc ses camarades. Sur un autre cliché, on le voit, revenu sur le lieu de sa blessure. Il est debout, en uniforme, casquette sur la tête, en bordure d’un champ. Au dos de la photographie, il a écrit : « Ici a éclaté la grenade lors de l’attaque de Louga. Le général Mülreustadt est tombé, j’ai été blessé. Photo prise trois mois plus tard, après mon retour de l’hôpital. L’été avait fait pousser l’herbe et les buissons. »
La suite est un raccourci saisissant de ce que fut l’immense tuerie sur le front de l’Est. À la mi-août, la division Totenkopf est venue enrayer une contre-attaque soviétique du côté de Staraïa Roussa, au sud de Novgorod. La ville, totalement détruite, sera occupée jusqu’en février 1944. Le véritable objectif des Allemands demeure Léningrad. Au nord et au nord-est, l’armée finlandaise, alliée de l’Allemagne, avance jusqu’au lac Ladoga. À la fin du mois d’août 1941, la métropole russe est quasiment encerclée. Le siège de l’ancienne Saint-Pétersbourg va durer près de 900 jours :
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