Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
et de l’observation de l’ennemi.
Le cahier de marche du VI SS Freiwillige fut reproduit en 1981, dans Les Divisions lettonnes , un livre écrit par des anciens, dont Werner Reimer. C’est un carnet de déroute, jalonné de combats d’arrière-garde, désespérés, oublieux de la traque sans merci menée contre les partisans. C’est la chronique d’une impasse mortifère. Bolgotowo-Chanino-Puschowo : une oscillation d’une quarantaine de kilomètres en territoire russe, entre avril et juillet 1944. Puis, une nouvelle retraite sévère, de Naglani à Lubana, à l’extrême est de la Lettonie, en juillet-août, devient inévitable. Ensuite, Tirza-Ranka-Cesis, un reflux de soldats, toujours plus à l’ouest, à 40 kilomètres de la Baltique et du golfe de Riga… En octobre, la capitale lettone est perdue. Ailleurs, les Britanniques sont à Athènes, les Canadiens aux Pays-Bas. Rommel s’est suicidé.
Il reste une photographie de Werner Reimer à cette période. C’est un portrait en buste. Il est probablement assis, le dos appuyé contre une palissade de bois. Il porte le long manteau de cuir des officiers allemands, par-dessus une veste d’uniforme, dont on ne voit que le col, brodé des runes de la SS. Ses cheveux ont poussé. Il arbore un léger sourire, énigmatique. Il a un beau visage. On dirait un acteur de cinéma.
Pour Werner, les six derniers mois de guerre se déroulent dans un périmètre de quelques dizaines de kilomètres autour de Tukums, en Lettonie. Ils sont maintenant 200 000 hommes, de la Wermacht, de la SS, Totenkopf ou volontaires lettons, lituaniens, belges et suédois, pris au piège dans la « poche de Courlande », le dos à la mer Baltique. C’est là que le père de Werner avait combattu les Russes, vingt-neuf ans plus tôt.
En ce printemps 1945, quelques milliers de soldats en perdition parviennent à se faire évacuer par bateau. Puis, le 8 mai, à 23 heures, dans les environs de Vane, un village perdu à l’ouest de la Lettonie, Werner Reimer se rend, comme 180 000 autres vaincus, aux troupes du commandant Leonid Govorov. Il a de la chance : il ne sera pas fusillé. Peut-être a-t-il ôté l’insigne de la SS de son uniforme, pour échapper à une exécution sommaire…
Dix longues années de captivité s’ouvrent devant lui. Selon les documents de la WAst, Werner a été détenu dans huit camps différents, dans les régions les plus reculées de l’immensité soviétique. À Mantchegorsk, une cité minière au-delà du cercle polaire, à 145 kilomètres de Mourmansk. À Samarka, en Extrême-Orient, au nord-est de Vladivostok, aux confins de la Corée du Nord, de la Chine et en face du Japon. À Brodi, une région de lacs et de forêts, entre Léningrad et Moscou. Enfin à Chakhty, dans le Caucase, à 1 000 kilomètres au sud de la capitale russe.
Il n’est rentré en Allemagne que le 16 octobre 1955. Les tout derniers prisonniers allemands en Union Soviétique ont été libérés quelques mois plus tard, en janvier 1956. Werner Reimer s’est marié en 1960. Il avait 49 ans quand Iris est née. Bien plus tard, il a raconté à sa fille qu’il avait tenté de s’évader à deux reprises, avec un groupe de détenus. Ils étaient parvenus près de la frontière suédoise quand ils ont été repris. Il était très marqué par ses années de guerre et de captivité. La nuit, il se réveillait en hurlant : « Alerte ! Alerte ! » Par la suite, il a réintégré l’armée et a terminé sa carrière avec le grade de lieutenant-colonel.
Et Marguerite ? Et la petite Christiane ? Que leur est-il arrivé pendant que Werner était sur le front de l’Est ? Voilà qui est beaucoup plus difficile à établir. Parce que Marguerite S. n’a jamais raconté en détail ses années de guerre. Voici pourquoi.
Christiane est née le 26 mars 1942, à l’hôpital Saint-Charles, à Port-Royal, dans le XII e arrondissement de Paris. Le 8 avril, Marguerite écrit à Werner une lettre de six pages pour lui annoncer l’heureux événement. Mais aussi l’avertir qu’elle devra bientôt se séparer de l’enfant. Elle ajoute ceci : « Nous non plus, nous ne sommes pas en sécurité à Paris. Chaque nuit, les Anglais viennent bombarder et détruire tout ce qu’ils peuvent. Et à chaque fois, il y a des centaines de morts et de blessés. Je n’ai pas eu peur, mais je ne suis plus seule maintenant que j’ai ma petite fille ; et je crains qu’il ne
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