Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
naissance, il avait été très déçu. Il s’imaginait avoir un garçon qui deviendrait militaire, comme lui. Il avait du mal à accepter une fille, il me coupait les cheveux très courts. Ma mère en pleurait.
Quand je repense à l’attitude des nazis qui voulaient des enfants « parfaits », je me souviens que mon père trouvait que j’avais les oreilles trop décollées. Pourtant, sur les photos, je vois bien que ce n’était pas si grave que ça. Mais lui, il recherchait une certaine « perfection ». Il m’a fait opérer à l´âge de 5 ans. À cause de cela, j’ai gardé deux cicatrices derrière les oreilles. Je ne les ai jamais vues. Je ne lui en veux pas.
Le premier contact avec Christiane
27 février. J’envoie à madame Zipperling mes premiers mots à transmettre à ma demi-sœur.
28 février. Christiane envoie une lettre et des photos à madame Zipperling. Elle me les fait parvenir.
8 mars. Vers 14 heures, je reçois un appel de Christiane. C’est la première fois que nous nous parlons. Il n’y a aucune gêne entre nous. Nous discutons en français, comme si nous nous connaissions depuis des années. Nous parlons sans arrêt, sans faire de pauses.
À la fin du coup de fil, nous réalisons toutes les deux que ce premier contact a eu lieu à la date de la journée mondiale des femmes. Christiane me dit : « Dieu est avec nous. »
À partir de ce jour-là, nous nous parlons le plus souvent possible. Christiane me prie de ne pas l’appeler chez elle, à cause de sa vie privée. Elle ne veut pas mettre son compagnon au courant. Elle me dit : « Il ne veut rien savoir de mes origines. » Elle a peur de ses réactions. Aujourd’hui encore, son compagnon ne sait pas qui je suis. Christiane lui fait croire que je suis la fille d’une amie allemande de sa mère, avec qui elle avait travaillé à Paris, pendant la guerre.
Plus tard, j’ai appris que son ancien mari – elle a été mariée dans les années 1970 et a divorcé rapidement – l’avait probablement quittée à cause de ses origines. « Il a dû apprendre que mon vrai père était un nazi, un SS », m’a-t-elle dit.
À ce moment-là, j’ai compris à quel point Christiane était bloquée par son passé. Je réalise qu’elle se cache. Elle essaie d’éviter de parler de son identité. Jusqu’à présent, elle s’excuse d’exister. À plusieurs reprises, elle m’a dit : « Je n’y peux rien si je suis là. »
Cela me fait mal au cœur, mais je sais que ce qui nous arrive maintenant, c’est LA chance pour elle de guérir. Je me demande : « Est-ce qu’elle sait QUI elle est ? » Sur une photo, elle a marqué : « Pendant la guerre il fallait m’appeler “Christa”, sinon des problèmes… » C’était sa mère qui le lui avait dit. Petit à petit, Je lui parle des endroits où elle est passée : elle n’en sait RIEN. Et elle n’en a JAMAIS parlé. La vérité, sa vérité, est dans un brouillard épais.
Elle ne sait pas où elle est allée après sa naissance. Sa mère avait été obligée de travailler et de se séparer d’elle. Une fois, Marguerite lui avait dit qu’elle l’avait placée dans un foyer, en Belgique : « C’était pour te cacher… »
On ne sait pas non plus exactement où Christiane se trouvait, entre mai 1945 et juin 1946, avant d’être rendue à sa mère, à Hameln. Marguerite lui a seulement dit : « J’ai eu beaucoup de mal à te retrouver. » Et elle a mentionné que la Croix-Rouge, à Strasbourg, l’avait beaucoup aidée.
Marguerite a aussi raconté à Christiane que Werner voulait l’épouser. Elle avait refusé. Elle se sentait gênée, elle venait d’une famille très modeste… Werner avait voulu lui offrir une bague. Elle l’avait aussi refusée. Il s’était mis en colère, avait jeté la bague par terre et l’avait écrasée avec ses bottes SS… Il avait été très blessé, il s’était même mis à genoux et il pleurait.
Si Marguerite avait décliné la demande en mariage, c’est aussi parce que Werner entretenait des relations avec plusieurs femmes.
22 mars. L’antenne de Düsseldorf de la Deutsches Rotes Kreuz , la Croix-Rouge allemande, me sollicite. C’est à eux que j’avais envoyé ma première demande de recherches, en avril 2009. Le magazine GEO-Wissen ( GÉO-Savoir ) s’est adressé à eux. Ils veulent écrire un article sur les retrouvailles de frères et sœurs franco-allemands et cherchent des
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