L’élixir du diable
vide, à part le lit de camp, moi, et un type qui me regardait comme si j’étais un extraterrestre. Je réalisai que dans un sens, c’était sans doute vrai.
— Qui êtes-vous ? fit-il, de la voix tremblante d’un homme qui a les nerfs à vif.
Je le regardai. Je commençai à comprendre.
— Vous, vous êtes Stephenson.
Le type eut l’air surpris.
— Comment le savez-vous ? Qui êtes-vous ?
Je m’assis, posai les pieds sur le sol et me frottai les cuisses et les bras pour les ranimer. Je contemplai notre cellule.
— Sean Reilly. FBI.
L’impression qu’on m’avait passé la bouche au papier de verre.
— Bon Dieu, mais que se passe-t-il ? demanda-t-il. Où sommes-nous ?
Il faisait bon, mais il y avait de l’humidité dans l’air, comme si elle suintait à travers les murs.
— Je dirais que nous sommes quelque part au Mexique.
Stephenson était stupéfait.
— Au Mexique ? Quoi ? Pourquoi ? Merde, mais pouvez-vous me dire ce qui se passe ? Je suis professeur à l’université, pour l’amour de Dieu. On doit me prendre pour quelqu’un d’autre…
Il me raconta qu’ils étaient venus le chercher, un matin, très tôt. Il ne se rappelait pas depuis combien de temps. Les jours avaient fini par se confondre. Ils l’avaient forcé à appeler sa secrétaire, puis l’avaient bâillonné et lui avaient mis un bandeau sur les yeux avant de le fourrer dans le coffre d’une voiture. On l’avait conduit quelque part, ils avaient descendu des marches et ils l’avaient attaché à un mur. Il était resté captif de motards qui n’avaient même pas pris la peine de lui laisser son bandeau, puis d’autres hommes étaient venus le chercher – des Latinos parlant espagnol et qui – puisque j’en parlais – étaient très probablement mexicains, en effet. Ils lui avaient fait traverser une salle dans laquelle gisaient les cadavres des motards, lui avaient remis son bandeau sur les yeux et l’avaient jeté dans une voiture qui l’avait mené jusqu’ici…
C’était à mon tour de donner des explications : — Je suis le père d’Alex Martinez. Et… non, on ne vous a pas pris pour quelqu’un d’autre. Vous êtes ici – tout le monde est ici – à cause d’Alex.
Il était encore plus stupéfait.
Il semblait peu probable qu’on nous déménage dans l’immédiat. Je lui racontai donc ce que je savais.
Puis je lui demandai de faire de même.
Tess se réveilla dans un environnement très différent.
La pièce était meublée en vieil acajou, possédait des poutres apparentes, des rideaux de mousseline et de grandes fenêtres grâce auxquelles elle baignait dans une lumière dorée. Avec les chants d’oiseaux qui venaient des arbres luxuriants qu’elle apercevait à l’extérieur, Tess aurait pu se croire dans un hôtel cossu, et un peu somnolent… si ce n’était la présence de l’homme assis dans un fauteuil en face de son lit, et qui la contemplait avec une grimace indéchiffrable.
— Où suis-je ? demanda-t-elle, même si elle connaissait déjà la réponse.
— Vous êtes mes invités.
Puis, avec un sourire sans joie :
— Vous tous.
Tess s’assit, raide comme un piquet.
— Où est Alex ? Et Sean ?
— Alex va bien. Il dort encore. Je ferai en sorte que vous soyez avec lui quand il se réveillera.
Elle craignait la réponse à l’autre question.
— Et Sean ?
Il attendit un peu, comme s’il se demandait comment y répondre. Ou peut-être voulait-il simplement accentuer un peu son angoisse.
— Il est ici, confirma-t-il enfin. Il va bien.
Elle se détendit un peu.
Il l’observait, les yeux plissés.
— Vous savez pourquoi vous êtes ici, n’est-ce pas ?
Tess ne savait trop que dire.
— Oui, sans doute, répondit-elle au bout d’un moment, même si je ne suis pas sûre de croire à cette histoire…
— Oh, vous pouvez y croire, Tess. Là-dessus, faites-moi confiance. Tout est absolument vrai. Je le sais.
Son visage s’éclaira d’un léger sourire.
— Je suis passé par là. J’ai vu. C’est très, très réel.
Tess sentit que ses nerfs étaient tendus à mort.
— Comment le savez-vous ?
Il repoussa la question d’un geste, et se dirigea vers la fenêtre.
— Vous comprendrez. Avec le temps.
Le dos tourné, il ajouta :
— Pour vous, la question la plus appropriée est la suivante : « Pourquoi suis-je encore en vie ? » La réponse est très simple. Vous êtes ici parce que je veux qu’Alex soit détendu, suffisamment à
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