L’élixir du diable
l’aise pour que le docteur Stephenson puisse faire opérer sa magie et obtenir de l’enfant ce que j’attends de lui.
Il se tourna vers Tess, totalement inexpressif.
— C’est tout ce que vous valez, pour moi, vous comprenez ?
Tess le regarda. Sachant à qui elle avait affaire, elle se contenta d’acquiescer.
— Bien. Alors je vous conseille vivement de m’aider. Pas seulement pour votre bien. Mais pour le bien d’Alex. Je préfère que Stephenson obtienne les informations sans complications. En cas de problèmes je dispose d’autres moyens de rafraîchir la mémoire d’Alex. Des moyens particulièrement désagréables pour un enfant de quatre ans. Je vous invite donc instamment à aider Stephenson, et à aider Alex à se souvenir.
— Et après ? demanda Tess, sachant une fois encore ce qu’était la réponse.
Ce que serait en tout cas une réponse sincère.
Le sourire mince réapparut.
— Nous verrons bien. Aidez-moi à obtenir ce que je veux. Qui sait, alors, comment ça pourrait se passer. Mais si vous me doublez… l’enfer que je vous infligerai sera pire que tout ce que vous pouvez imaginer.
Il la contempla un instant, sa menace planant dans la pièce. Puis il sortit, abandonnant Tess à sa terreur.
63
Stephenson me confirma tout ce que Tess avait déjà pigé.
Ce qu’il me raconta sur d’autres cas, ce qu’il m’apprit sur ses compétences dans un domaine qu’il connaissait sans doute mieux que personne… j’étais stupéfait, et profondément ébranlé. En dépit des circonstances, il s’exprimait avec calme, éloquence, et une cohérence qui exigeait l’attention. Le plus troublant était que tous les détails que je lui donnais à propos de McKinnon, y compris sur sa mort, collaient avec ce qu’il avait appris par le récit d’Alex des expériences de sa vie antérieure, jusqu’au casque que je portais lors de cette nuit d’enfer.
Je ne voyais pas comment cela pouvait être autre chose que ce qui me semblait pourtant toujours totalement impossible.
Je gardai longtemps le silence, afin de digérer tout ce que je venais d’entendre.
— Mais comment se fait-il que les gens n’en parlent pas ? Pourquoi votre travail n’est-il pas mieux connu ?
Il ricana.
— Ne me dites pas que cela vous étonne.
Je compris qu’il s’agissait pour lui d’une frustration de longue date.
— Je peux vous montrer toutes sortes de sondages montrant qu’un Américain sur quatre croit à la réincarnation, mais ce n’est qu’une réponse facile à une question rhétorique. Si vous creusez un peu, vous verrez que ceux qui disent y croire sont mal à l’aise. C’est réellement pour cette raison que l’on considère que mes travaux sont à la limite de la science. Personne ne veut y réfléchir. Pas sérieusement. Nos élites politiques, universitaires, religieuses… elles montrent toutes une résistance innée par rapport à ça. Cela va contre les fondements de trop de doctrines sacrées. Les chercheurs en médecine ne veulent pas en entendre parler à cause de leur certitude fondamentale, non négociable, que la conscience ne peut exister hors du cerveau. Quant aux gens de foi, leur éducation ne peut s’accommoder de choses si différentes de ce qu’on leur a enseigné toute leur vie, et cette idée qu’il existerait un monde après la vie qui n’a rien à voir avec le ciel ou l’enfer relève du blasphème pur et simple. Mais on ne pense pas ainsi dans le monde entier. Les bouddhistes et les hindous, par exemple, ont toujours cru à la réincarnation. Et ils représentent presque un quart de la population de cette planète. Nous parlons ici d’un nouveau paradigme. Cela met beaucoup de gens mal à l’aise. Surtout chez mes pairs – ce qui m’a toujours surpris. Les intellectuels sont censés avoir un désir insatiable d’explorer de nouveaux domaines et de mettre au jour les secrets de l’univers dans lequel nous vivons. Mais en dépit de toutes nos références, et de tout le soin que nous apportons à nos recherches, la plupart de mes confrères préféreraient mourir que de s’avouer publiquement d’accord avec moi. Le problème, c’est que même si nous avons une montagne d’indices démontrant que cela existe, nous n’en avons pas la moindre preuve, et nous n’avons aucun moyen d’expliquer comment cela se passe. Il n’existe aucune explication biologique, pas même une théorie tangible de ce que nous appelons « l’enracinement de l’âme »
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