L’élixir du diable
d’Alex pour obtenir ce qu’ils désiraient tant.
Ce qui signifiait qu’Alex était toujours une cible.
Qu’il était en danger.
Et Tess aussi.
Ma vision devint trouble tandis que le plan tout entier défilait dans ma tête à vitesse rapide. Je saisis mon portable et pressai la touche du numéro préenregistré de Julia.
43
— Ouah, regardez celui-ci ! hurla Alex, surexcité, en montrant les avions exposés devant le musée de l’Air et de l’Espace.
Ils se tenaient sous le Blackbird de Lockheed, qui les dominait du haut de ses trois supports métalliques, à l’entrée du musée.
— C’est le plus rapide de tous, une vraie fusée ! poursuivit Alex, s’extasiant devant l’avion espion noir et effilé qui avait volé pour la première fois au-dessus des lacs de la Zone 51, dans le Nevada.
Bourré d’énergie, il passa du Blackbird au Convair Sea Dart, plus petit, qui flanquait également l’entrée du musée.
Julia vit le plaisir s’afficher sur le visage de Tess. Suivant du regard le gosse qui courait en tous sens, elle ne put s’empêcher de sourire à son tour. Elle savait ce que Tess ressentait. Voir Alex exprimer un tel bonheur, même pendant un instant fugitif, après tout ce qu’il avait traversé, était aussi enivrant qu’un verre de pur malt.
Tess se tourna vers elle.
— Et si on allait faire un tour à l’intérieur ?
Alex s’y trouvait déjà.
Le musée circulaire était constitué d’une rotonde extérieure pleine d’avions de toutes formes et de toutes tailles disposés autour d’un pavillon central. Un énorme hydravion de la Seconde Guerre mondiale dominait l’ensemble. Alex avait expliqué à Tess qu’il était déjà venu au musée, mais qu’il n’avait jamais vu les films en relief qu’on projetait au Zable Theatre. Ces films étaient agrémentés d’effets spéciaux mécaniques qu’un quelconque sorcier du marketing avait décidé de baptiser « 4D » – même si, à proprement parler, tous les films en 3D étaient déjà projetés à l’intérieur d’un machin einsteinien à quatre dimensions.
Ils se promenèrent dans l’exposition, Alex menant la marche et gesticulant avec excitation d’un avion à l’autre. L’endroit bourdonnait d’activité, aussi animé à l’intérieur que la promenade à l’extérieur. Julia se surprit à examiner les alentours. Toutes sortes de gens se trouvaient là – familles, couples, citadins, étrangers, vieux et jeunes. Cet échantillon varié d’humanité avait convergé autour d’un remarquable aperçu du génie de l’homme lancé dans sa quête pour satisfaire son désir primitif de voler.
Ils étaient là depuis une demi-heure et s’apprêtaient à entrer dans la salle de projection, quand un homme attira le regard de Julia. Un Latino à la peau olivâtre vêtu d’un jean, d’un coupe-vent et de bottes de cow-boy. Le cordon d’un téléphone mains-libres lui pendait à l’oreille, et il parlait dans son micro. Julia ne savait pas bien pourquoi son regard s’était attardé sur lui à cette seconde précise. Quelque chose dans son attitude lui sembla bizarre, sans qu’elle puisse y mettre un nom. L’homme semblait déplacé. Il ne ressemblait pas à un touriste. Il avait l’air mal à l’aise dans ce contexte, comme s’il n’était pas vraiment là pour regarder les avions. Après l’avoir observé pendant quelques secondes, Julia décida qu’elle devenait parano. Pas une seule fois il n’avait regardé dans leur direction. Sans doute répondait-il à un coup de fil lié à son travail. Ou bien avait-il été obligé de faire une balade avec sa nouvelle petite amie et le gosse de cette dernière, et il n’avait pas envie d’être là. Quelle que soit son histoire, Julia se dit qu’il ne méritait pas son attention et décida de l’ignorer.
Elle se réprimanda mentalement à propos de cet incident. Une preuve supplémentaire qu’elle était incapable de se détendre tout à fait. Elle faisait ce boulot depuis trop longtemps pour baisser sa garde. Elle imaginait les réflexions de ses amis, mais le fait est qu’elle aimait son travail au Bureau. Sa meilleure amie, qui avait été sa colocataire à l’université, prenait plaisir à la taquiner à propos du mariage et des enfants, mais Julia repoussait en riant les piques et les encouragements. Elle lui promettait d’essayer de se détendre et de profiter de ce que la vie avait à lui offrir, mais elles savaient toutes deux que ce
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