L'Empire des Plantagenet
Elle témoigne d’une conception grégorienne de la société où la protection des privilèges ecclésiastiques facilite la tâche pastorale des clercs et, en conséquence, le salut du peuple chrétien tout entier. Elle aboutira au meurtre de la cathédrale, l’un des événements les plus chargés de sens du règne d’Henri II et de ses successeurs.
L’« Empire » des Plantagenêt occupe-t-il une place singulière parmi les monarchies occidentales à l’horizon de l’an 1200 ? L’intuition de Gautier Map, leur courtisan, qui parle de la « modernité » du milieu où il lui est donné de vivre, traversé par la renaissance intellectuelle, mais aussi par l’accroissement des moyens de l’État, contient sa part de vérité. Au lendemain de la guerre civile en 1152, l’Angleterre et la Normandie redeviennent les entités politiques les mieux administrées de l’Europe, une sorte de laboratoire où sont éprouvées toutes les expériences gouvernementales, fiscales et judiciaires les plus à la pointe. La féodalité, contrôlée par la couronne, fournit de nombreux guerriers à l’armée royale ou, le cas échéant, le versement de l’écuage qui les remplace par des mercenaires rétribués. Aussi archaïque qu’il puisse paraître, le patronage de la maison d’Anjou sur son clergé précède, de plus d’un siècle, les Églises nationales de l’Europe, voire l’anglicanisme. Cette modernité autocratique contraste avec les autres principautés territoriales des Plantagenêt. En Bretagne, dans l’Anjou ou en Aquitaine, quand il n’est pas passablement fragmenté, le pouvoir de contraindre et de juger se concentre entre les mains de quelques grandes familles vicomtales ou seigneuriales qui, comme les Lusignan, les Thouars ou les Léon, tiennent tête au roi d’Angleterre. Au regard de l’évolution future des États modernes, écrasant toutes prérogatives collectives et enclaves seigneuriales, cette situation respire l’archaïsme.
Paradoxalement pourtant, ces territoires, passés sous la couronne de France, connaîtront un jour l’absolutisme et le jacobinisme. L’administration « modèle » de la Normandie enseigne à Philippe Auguste, conquérant du duché, la voie à suivre dans la longue marche vers l’État unitaire et centralisé. Sur le sol anglais, en revanche, la précocité de ce processus de modernisation bureaucratique provoque une réaction inattendue. L’aristocratie, nombreuse et puissante à la cour, tient à contrôler toutes les décisions du roi. Elle est prête à tout pour arrêter net la croissance du pouvoir discrétionnaire du monarque. Sa révolte aboutit à la Grande Charte en 1215 qui pose les bases du parlementarisme anglais. Pris à son propre piège, l’Empire des Plantagenêt est mort par excès d’autorité.
Chronologie
1124 Naissance d’Aliénor, fille de Guillaume X d’Aquitaine.
1133 Naissance d’Henri, fils de Geoffroi le Bel et de l’impératrice Mathilde d’Angleterre.
1151 Hommage rendu par Geoffroi le Bel, comte d’Anjou et duc de Normandie, et par son fils Henri à Louis VII. Mort de Geoffroi le Bel.
1152 Henri II épouse Aliénor d’Aquitaine.
1153 Aux termes du traité de Wallinford, Etienne de Blois, roi d’Angleterre, nomme Henri II son héritier.
1154 Henri II et Aliénor d’Aquitaine couronnés à Westminster.
1155 Thomas Becket nommé chancelier d’Angleterre. Naissance d’Henri le Jeune.
1156 Henri II combat son frère Geoffroi, qu’il met ensuite, en guise de compensation, à la tête du comté de Nantes.
1157 Naissance de Richard Cœur de Lion.
1158 Accord de fiançailles d’Henri le Jeune à Marguerite de France. Naissance de Geoffroi de Bretagne.
1159 Échec du siège de Toulouse et annexion d’une partie du Quercy.
1162 Thomas Becket devient archevêque de Cantorbéry.
1164 Constitutions de Clarendon, concile de Northampton et exil de Thomas Becket.
1166 Naissance de Jean sans Terre. Début des campagnes de Strongbow et des guerriers cambro-normands en Irlande. Constance de Bretagne fiancée à Geoffroi qui reprend le duché.
1167 Hommage de Raimond V de Toulouse à Henri II. Mort de l’impératrice Mathilde.
1168 Mariage de Mathilde, fille du roi, à Henri le Lion, duc de Saxe et Bavière.
1169 Échec des négociations de Montmirail.
1170 Mariage d’Aliénor, fille du roi, à Alphonse VIII de Castille. Sacre d’Henri le Jeune par l’archevêque d’York et l’évêque
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