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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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daignait pas tomber au-dessous de cent écus,
elle comportait aussi des chambres fastueuses où les Grands de ce monde –
et par exemple, de son vivant, notre bon roi Henri – pouvaient, après une
partie de dés et une bonne repue, badiner avec des créatures dont le prix était
aussi grand que leur vertu, petite.
    Zamet était un petit homme replet qui, à part des yeux
noirs, saillants et brillants comme ceux d’une belette, n’avait rien de
remarquable. Il me connaissait fort bien pour m’avoir vu souvent chez lui en
compagnie du feu roi, car Henri me tenait, si on s’en souvient, pour son
innocente mascotte, pour la raison que je n’étais pas moi-même joueur. Et au
premier mot que je dis à Zamet, il me fit de prime jurer qu’il ne s’agissait
pas d’un complot contre la régente. Après quoi il me dit à sa manière vive et
abrupte :
    — Monsieur le Chevalier, venez à trois : la
chambre bleue, le petit cabinet attenant, et Zohra feront l’affaire pour le
plus discret entretien.
    — Et qui est Zohra ?
    — Une belle Mauresque que je vais vous présenter. Le
français est pour elle une langue tout à fait déconnue.
    — Mais, Monsieur, quel est donc l’intérêt du petit
cabinet attenant ?
    — On y a une plaisante vue, par un discret judas, sur
le lit de la chambre bleue. Mais si on veut seulement parler au bec à bec et
sans crainte d’être ouï, c’est l’endroit le meilleur du monde, car il est si
bien capitonné qu’à moins de déclore le petit judas, on n’y oit même pas les
soupirs qui s’échappent de la chambre bleue.
    — Et pourquoi faut-il que nous soyons trois, puisque
l’entretien est un tête-à-tête ?
    — Il faut bien, Monsieur le Chevalier, que Zohra soit
occupée. Sans quoi les domestiques n’entendraient pas pourquoi on vous baille
la chambre bleue, et cela ferait jaser.
    — Eh bien, le troisième homme, Monsieur, sera mon petit
La Barge. Les deux autres – moi-même et le tertium quid [39]  – seront ses invités.
    Mon page fut dans les transports, quand il apprit que son
rôle en ce rendez-vous serait de tenir compagnie à la belle Zohra, tandis que
Bellegarde et moi, nous devions confabuler dans le cabinet attenant.
    — Ah Monsieur ! dit-il, sa voix s’étranglant dans
sa gorge. Je touche enfin au havre de mes rêves ! Une femme ! Une
femme à moi ! Et nue ! Et qui fera toutes mes volontés ! Mais
les fera-t-elle ?
    — Assurément.
    — Elle est belle, m’avez-vous dit ? Belle à damner
un saint ?
    — Et même tous les saints mis à tas !
    — Et comment se nomme-t-elle ?
    — Zohra.
    — Zohra ? Ah Monsieur ! Quel beau nom !
Comme il est doux et poétique ! Je n’ai jamais ouï ce nom-là jusqu’à ce
jour.
    — Pour une bonne raison, dis-je, il est mauresque.
    — Quoi ? dit La Barge, la crête soudain fort
rabattue et tous ses traits comme tirés par le bas, la caillette serait-elle
donc mauresque ?
    — Indubitablement.
    — Mais c’est que cela change tout ! cria La Barge,
sa juvénile face tordue de désespoir et les larmes apparaissant en ses candides
yeux.
    — Et pourquoi donc ? dis-je, feignant la surprise.
    — Mais parce que c’est une infidèle, Monsieur le
Chevalier, et que c’est grand péché que de coqueliquer avec une infidèle !
    — Comment cela ? dis-je. Son petit calabistris
va-t-il changer incontinent ton vit en hérétique ? Ne pécherais-tu pas
aussi bien en t’emmistoyant hors mariage avec une chrétienne ?
    — Mais ce n’est pas du tout la même chose !
s’écria La Barge. Avec une chrétienne, c’est péché confessable ! Mais avec
une infidèle ! Fi donc ! Rien qu’à envisager la diabolique garce, je
raquerai mes tripes !
    — Or sus, petit sot ! dis-je, tu ne raqueras rien
du tout ! Vu que Zohra, toute mauresque quelle soit, est chrétienne, comme
en témoigne une belle croix d’or qu’elle porte dans le mitan de ses tétins.
    — Quoi, Monsieur ? dit-il en pleine confusion, les
avez-vous vus ?
    — J’ai vu la croix et les tétins.
    — Quoi ? dit-il avec un soupçon de jalousie,
étaient-ils nus ?
    — Sous une gaze assez aimable pour les laisser
transparaître. Et même sans la croix qui les ornait, je ne les eusse pas
trouvés hérétiques, La Barge, vu qu’ils sont ronds, pommelants et d’une belle
couleur brune.
    — Ah, Monsieur ! reprit La Barge l’œil en fleur,
que je suis donc heureux que Zohra soit chrétienne ! Et

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