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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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insatiables
escarcelles.
    Comme durant cette cérémonie du serment j’avais cm discerner
sur les visages des Grands un air de hauteur et de mépris à l’égard du nouveau
maréchal, j’en touchai un mot à la repue du midi au marquis de Siorac.
    — Ne croyez-vous pas, Monsieur mon père, lui
demandai-je, que Concini a amassé contre lui chez les Grands tant de féroces
jalousies qu’un jour il lui en cuira ?
    — Je le décrois. Il faudrait pour cela que les Grands
soient unis et qu’ils aient, au surplus, le sens de l’État.
    Or, ils n’ont le sens que de leurs intérêts et pas un n’est
ami, ni véritablement ennemi de l’autre. Peu importe donc que Concini soit un
loup mal né et venu d’au-delà des Monts : c’est un loup. Et les bêtes de
cette sorte ne vont pas laisser leurs crocs s’égarer sur un des leurs, alors
qu’on leur laisse le royaume entier à dévorer.
     
    *
    * *
     
    On parla beaucoup à la Cour de l’élévation du marquis d’Ancre
au maréchalat, mais ce fut par paroles chuchotées, l’œil épiant, et de
préférence dans l’escalier Henri II du Louvre, qui a cet avantage d’être
immense, tant est qu’on y peut voir venir de loin, montant ou descendant, les
fâcheux et les espions. Mais dans le peuple de Paris, si volontiers rebelle et
maillotinier, on n’y alla pas tant à la patte de velours et les maréchaux
d’Ancre, selon les quotidiens échos de Mariette, furent traînés du matin au
soir dans la boue et, disait-on, c’était justice, puisqu’ils en étaient issus.
Par malheur, la reine elle-même ne se trouva pas épargnée en ces ignominies,
pour la raison que les Parisiens ne pouvaient croire quelle eût accumulé tant
d’honneurs sur la tête d’un étranger qui en était si peu digne, s’il ne lui
avait pas donné en son veuvage quelque intime motif de satisfaction.
    Bref, on brocardait les maréchaux d’Ancre, on les
chansonnait, on en faisait des poupées grotesques qu’on pendait par le col aux
grilles du palais, on leur attribuait, et la misère du peuple, et le gaspillage
du trésor (et chose étrange, sans jamais considérer que les Grands y avaient,
eux aussi, leur part).
    L’absurde de la chose, c’était que la régente n’aimait point
du tout le Conchine et ne le poussait si haut que pour complaire à sa dame
d’atour, laquelle ne l’aimait pas davantage, ayant eu beaucoup à pâtir des
brutalités de son époux. La seule ambition de la Conchine était l’or, mais pour
son malheur, le maréchal d’Ancre, lui, voulait régner. Et de sa quasi
incrédible impudence, belle lectrice, je vous veux faire un conte, lui-même
quasi décroyable, et d’autant qu’il s’y mêle d’illicites mystères et de
damnables magies, et qui sait ? le diable lui-même, auquel toutefois je ne
permettrai pas d’apparaître en ces pages pour ne point effrayer votre
délicatesse.
    La date de cette intrigue reste floue en ma mémoire et je ne
saurais même chercher à la préciser pour avoir omis de la marquer alors dans
mon Livre de raison. Toutefois, les circonstances en demeurent aussi
claires et vives, et surprenantes en mon esprit que si je les avais vécues dans
la semaine qui vient de s’écouler.
    Chose véritablement étrange, c’est Madame de Lichtenberg
qui, toute retirée du monde qu’elle fût, me mit la première sur la voie de ce
qui se tramait dans l’ombre à la Cour.
    Comme on sait, la seule chose qui me donnât un peu d’humeur
chez ma Gräfin, sans que je me permisse jamais de trahir à cet égard la
moindre impatience, était sa funeste habitude de prendre une collation sur le
coup de trois heures, c’est-à-dire au moment où j’arrivais chez elle, tout
fervent et bouillant, ayant tous les appétits du monde, sauf celui de me
confiturer.
    Mais, outre que cette collation était une coutume fort
ancrée chez les personnes de qualité pour la raison que, dînant à l’ordinaire à
onze heures du matin et non pas comme au Champ Fleuri sur le coup de midi,
elles se sentaient une petite faim quatre heures plus tard, ma belle était
gourmande, et ayant le bonheur d’être de ces dames qui peuvent dévorer tout
leur saoul sans avoir un beau matin à changer toute leur garde-robe, elle se
laissait aller fort volontiers à ce petit péché. À la longue, pourtant, je
finis par soupçonner que le cérémonial du goûter avait aussi pour but de me
tantaliser, mais point tout à fait cependant, car Tantale, aux Enfers, voit de
beaux

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