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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vendre ma
lettre aux Concini lesquels, en effet, dès qu’ils l’eurent en leur possession,
me traînèrent en justice.
    — Vous, Monseigneur ?
    — Moysset de prime. Mais qui peut douter que Moysset
condamné, ma perte s’ensuivra ou du moins la perte de mes biens, de mon
gouvernement de Bourgogne et de ma charge de Grand Écuyer, lesquels Concini se
ferait aussitôt attribuer par la reine à titre de compensation pour le prétendu
dommage qu’il a subi.
    — Je gagerais, Monseigneur, dis-je, que Concini a
lui-même suscité les magiciens du miroir pour vous faire tomber dans ce piège.
Que sont devenus ces gens-là ?
    — D’après ce que j’en sais, ayant empoché des deux
parts, ils ont disparu.
    — Ne voilà-t-il pas qui confirme ma gageure !
J’entends bien que pour le procès, Monseigneur, vous n’avez pas été lent à
solliciter.
    — Il y allait de ma vie. Et d’abord je pris langue avec
le chancelier de Sillery, lequel trouvant l’accusation de magie fort peu
sérieuse, d’autant plus que personne n’avait pu produire le miroir, apporta
beaucoup de lenteur à sceller les commissions nécessaires au procès. Mais à la
fin la reine, fort pressée par les Concini, le pressa à son tour.
    — Et le chancelier chancela ?
    — En effet. Il saisit la cour du Parlement.
    — Et là, vous avez de nouveau sollicité,
Monseigneur ?
    — Des deux côtés. Et les juges pour qu’ils allassent à
la torture, et le Concini à qui je fis demander par les ducs de Guise et
d’Épernon de se désister du procès moyennant de substantielles compensations.
    — Et il refusa ?
    — Mais mon ami, comment le savez-vous ? dit
Bellegarde en ouvrant de grands yeux.
    — Cela va de soi. Pourquoi arrêter un procès dont
l’issue lui donnerait les énormes revenus de votre gouvernement de Bourgogne et
votre charge de Grand Écuyer ? Quelles épingles pourraient jamais valoir
autant que ces revenus-là, sans compter la gloire de ce gouvernement et
l’honneur de cette charge ?
    — Hélas ! dit Bellegarde avec un grand soupir, le
fait est là : le scélérat poursuit le procès à toute outrance et je ne
sais plus à quel saint me vouer !
    J’en savais assez pour me taire et comme je m’accoisai, les
yeux au sol, le duc reprit avec un accent de désespoir qui me serra le
cœur :
    — Mon bon ami, balancez-vous à m’aider ?
    — Non point, Monseigneur, si je savais comment.
    — Mais par votre marraine !
    — Par ma marraine ?
    — La duchesse de Guise, mon ami, a l’oreille de la
régente et j’ai pensé qu’elle pourrait, par votre intermédiaire, entrer dans mes
intérêts.
    — À tout le moins le vais-je essayer, dis-je, et je
n’épargnerai rien dans ce sens, soyez-en bien assuré !
    — Ah ! Chevalier ! Vous me rendez vie !
s’écria Bellegarde en se levant avec la vivacité d’un jeune homme, et je ne
saurais vous dire ma reconnaissance…
    Mais le duc n’était pas grand parleur et préférant l’action
au verbe, il me donna une forte brassée et je ne sais combien de baisers sur
les deux joues et de tapes dans le dos.
    Il me parut dans l’instant même infiniment soulagé, ayant ce
naturel enjoué qui, après les pires chagrins, rebondit comme balle de paume. Il
se versa derechef et lampa d’un trait un gobelet de vin et, au moment de
déclore l’huis du petit cabinet, il eut un geste qui montrait bien l’aimable
légèreté de son caractère : il ouvrit doucement le petit judas qui donnait
des vues sur la chambre bleue et dit sotto voce :
    —  Or sus ! Voyons comment les choses se
sont passées de ce côté-là…
    Et après avoir jeté un œil par le judas, il sourit et dit en
lissant sa moustache :
    — Voyez, Siorac ! Le procès dans la chambre bleue
s’est terminé à l’amiable : les deux partis dorment dans les bras l’un de
l’autre.
     
    *
    * *
     
    Je voudrais corriger ici l’impression qu’il se peut que
j’aie donnée au lecteur du caractère du duc de Bellegarde : quelque nom
qu’on lui donne : fol, étourdi, ou linotte, il les méritait tous. Mais
ayant toute sa vie vécu à la Cour et dans la compagnie des femmes, il ne
faillait pas en cette sorte de finesse qu’on acquiert à leur commerce. Et le
choix de la duchesse de Guise comme intercesseur auprès de la reine se trouvait
fort judicieux, je m’en aperçus aussitôt, et je voudrais en dire ici le
pourquoi.
    La régente n’aimait pas les hommes en général, ni

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