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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ministres et des présidents du Parlement
et dura en fait de dix heures du matin à trois heures de l’après-midi. Mon
pauvre Louis, ayant eu pendant cinq interminables heures l’oreille plus farcie
d’inutiles paroles qu’il ne pouvait supporter, n’eut qu’une idée en tête quand
il revint au Louvre : se coucher. Ce qu’il fit après avoir refusé sa repue
de midi. Toutefois, il me parut fort gai, tant parce qu’il était soulagé de
laisser derrière lui cette pénible épreuve que parce qu’il avait le sentiment
d’avoir remporté une grande victoire sur lui-même en prononçant son petit
discours sans bégayer. Connaissant le sérieux et la rigueur qu’il mettait à
tout, je ne fus pas autrement étonné quand, trois jours plus tard, il alla
accomplir son vœu à Notre-Dame des Vertus. Je ne manquai pas, après cette
longue séance au Parlement, d’en faire le récit à mon père et à La Surie.
    — Mais, mon beau neveu, dit La Surie, si Louis est dans
les dispositions d’esprit que vous dites, pourquoi n’a-t-il pas décidé
d’assumer publiquement les devoirs de sa charge ?
    — À vrai dire, je ne me le suis pas demandé.
    — Et vous avez bien fait ! dit mon père en
haussant les épaules. C’eût été pure folie de la part du roi d’agir ainsi !
Oublies-tu, Miroul, qu’il vient à peine d’avoir treize ans, qu’il n’a pas fini
sa croissance, que c’est tout juste si le poil lui pousse au menton et que son
éducation a été fort négligée ?
    — Mais il a le peuple pour lui, dit La Surie.
    — Le peuple, dit mon père, n’a ni chef, ni doctrine, ni
direction. Tout ce que peut faire le peuple, c’est vous acclamer s’il vous
aime, et grogner à voix basse s’il ne vous aime point. En réalité, la reine a
dans ses mains tous les appareils de l’État : le Parlement qui l’a nommée
régente, les ministres qui depuis cinq ans ont partie liée avec elle, la Cour
des Comptes, les parlements de province et, grâce à d’Épernon, l’infanterie
française.
    — Mais elle n’a pas les Grands, dit La Surie.
    — Ha ! Chevalier ! m’écriai-je. Pouvez-vous
penser un seul instant que Louis irait faire alliance avec les Grands contre la
régente ! Ce serait tomber de Charybde en Scylla ! Il deviendrait
leur otage ! Et au lieu d’un tuteur, il en aurait dix !
    — Mais alors, dit La Surie, comment imaginer qu’il
puisse jamais arracher le pouvoir à cette…
    — Miroul ! cria mon père.
    — Qui s’y accroche et des griffes et du bec.
    — Monsieur le Chevalier, dit mon père avec gravité, le
souper est servi. Passons à table. Ce serait crime de lèse-majesté que de pousser
plus avant ce propos.
    — Toutefois, Monsieur le Marquis, dit La Surie, avec un
petit brillement de son œil bleu, je vous ferais remarquer que présentement en
France, il y a deux majestés : la reine-mère et le roi.
    — Eh bien ? dit mon père.
    — Qui lèse l’une ne lèse pas l’autre.
     
    *
    * *
     
    J’ai fait passer ici l’histoire de mon petit roi avant la
mienne, mais comme bien le pense le lecteur, mon premier soin et souci quand je
revins du grand voyage à l’Ouest, un jour avant le roi, fut, à peine débotté, d’envoyer
un petit vas-y-dire à Madame de Lichtenberg pour l’informer quêtant de retour
j’aspirais passionnément à la revoir.
    Sa réponse tardant, j’étais quasiment hors de mes sens,
marchant de long en large dans ma chambre, m’asseyant, me relevant, me jetant
sur ma couche et maudissant ce petit galapian de vas-y-dire qui, comme tous ses
semblables, musait dans les rues, bayant aux corneilles, ou badaudant devant
les bateleurs et les bonneteurs du Pont Neuf au lieu de voler jusqu’à moi pour
m’apporter le message que j’attendais, sentant le cœur me battre comme cloche
en la poitrine, jetant quand et quand un œil anxieux par ma verrière sur la
porte piétonnière et recommandant, l’ayant ouverte, pour la dixième fois, à
Poussevent, qui pansait un de nos chevaux dans la cour, d’ouvrir dès qu’on
toquerait à l’huis.
    Il vint enfin, ce petit monstre sans cœur ! Je
descendis le viret en courant et fus avant lui sur le seuil, où il me tendit le
billet de ma Gräfin de ses petites mains noires de crasse, comme s’il se
fut agi d’un chiffon de cuisine, et non d’une lettre aussi précieuse qu’une
missive signée du roi et pendant que je dépliais la missive, le misérable
restait planté devant moi, attendant

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