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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ses coutumiers exploits : sacs, meurtres, tortures, rançons et
forcements de filles), Vendôme ne pouvait qu’il ne vînt à son tour demander
pardon au roi.
    Louis était à son dîner quand le duc de Vendôme apparut et
se génuflexa devant lui. Louis lui ôta son chapeau fort froidement, sans même
se tourner vers lui et aussitôt se couvrit. En langage de cour, cela signifiait
que Louis traitait en simple gentilhomme l’enfant légitimé d’Henri IV, duc
et pair ayant préséance sur les autres pairs en ce royaume.
    Cet accueil toutefois ne décontenança pas Vendôme outre
mesure. Robuste, bien découplé, l’œil assuré, le front têtu, la mâchoire
carrée, il ne manquait pas d’aplomb, sauf toutefois sur les champs de bataille.
En outre, il avait sept ans de plus que Louis et Henri IV ; ayant
commis l’imprudence de signer une promesse écrite de mariage à sa mère, Vendôme
se tenait en son for pour le roi véritable, et tenait Louis pour l’usurpateur.
Il n’eut de reste servi à rien de tâcher de le dissuader de cette folie en lui
faisant observer que la mort de Gabrielle d’Estrées, avant le mariage du défunt
roi, avait frappé de nullité la promesse qu’elle détenait. La croyance où
Vendôme était qu’il eût dû avoir le pas sur Louis reposait sur des bases trop
fragiles pour qu’il acceptât de les discuter. Sans jamais rien concéder à la
réalité, il entretenait en lui-même une foi inébranlable en ses droits,
laquelle expliquait qu’il fût entré dans les appartements du roi sans gêne ni
vergogne. En outre, au rebours de Retz et peut-être instruit par son
expérience, il avait préparé son petit discours d’allégeance sans y faire
aucune allusion à ses fautes et, malgré l’accueil glacial du roi, il le débita
avec aplomb.
    — Sire, je n’ai voulu faillir à venir trouver Votre
Majesté aussitôt que j’en ai reçu son premier commandement pour l’assurer que
je n’ai point d’autre volonté que d’être son très humble et très affectionné
serviteur, désirant même le lui témoigner par le sacrifice de ma vie.
    La première partie de cette longue phrase était un impudent
mensonge, car depuis son évasion du Louvre, ce n’était pas un, mais une
douzaine de commandements, que Vendôme avait reçus de revenir à la Cour. Et la
deuxième partie – « le sacrifice de sa vie » – était si
outrée qu’elle en devenait presque insultante.
    Je suis bien assuré que Louis le ressentit ainsi, car il
blêmit de colère et fixant sur Vendôme des yeux étincelants, il lui dit d’une
voix tremblante :
    — Monsieur, servez-moi mieux à l’avenir que vous avez
fait par le passé et sachez que le plus grand honneur que vous ayez au monde,
c’est d’être mon frère.
    Je transcris ces paroles bien des années plus tard, alors
que devenu barbon, j’ai survécu à mon maître, qui était pourtant mon cadet, et
sers avec la même fidélité que je lui montrai toujours, son fils Louis le
Quatorzième. Et fort étrangement résonne en ma remembrance cette superbe phrase
que prononça alors mon petit roi, laquelle rappelait à son demi-frère à la fois
la gloire qui était la sienne et les limites de cette gloire. Je ne sais si
cette phrase sera répétée en les siècles futurs. Mais à mon sentiment, elle le
mériterait car elle annonce déjà le style mesuré et majestueux qui est ce jour
d’hui celui de son fils.
     
    *
    * *
     
    Avec la soumission de Vendôme, le grand voyage à l’Ouest
atteignait son but ultime et touchait à sa fin. Et autant l’aller avait été
lent et musardier, autant le retour par Le Mans, Nogent-le-Rotrou, Chartres et
Bourg-la-Reine fut expéditif.
    Le seize septembre, la nouvelle s’étant répandue par les
avant-courriers que le roi rentrait dans sa capitale après deux mois et dix
jours d’absence, les Parisiens en foule se ruèrent en les rues, passèrent la
Porte Saint-Jacques, envahirent le faubourg qui lui fait suite, d’aucuns même
marchant, et d’après ce que j’ai ouï dire, courant jusqu’à Bourg-la-Reine,
qu’ils atteignirent alors que le roi sortait de son carrosse pour monter sur
son cheval blanc et faire son entrée solennelle en Paris.
    Il y eut alors de Bourg-la-Reine à la Porte Saint-Jacques et
de ladite porte à Notre-Dame (où Louis devait entendre un Te Deum) une
multitude incroyable de peuple dans les rues et aux fenêtres et même sur les
toits. Lequel peuple, infiniment soulagé que

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