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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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séance, la chattemite mit humblement un genou à terre
devant son fils pour lui remettre la régence. Vous lui eussiez alors donné le
bon Dieu sans confession, et même le brevet de bonne mère, elle qui depuis
quatre ans n’avait pas une seule fois baisé les lèvres de son fils, ni de
reste, ses joues, ni son front.
    Dans la semaine qui précéda cette odieuse comédie, un autre
souci dévora mon pauvre petit roi. Il craignait de bégayer devant tant de monde
en récitant son texte. La veille de la cérémonie, il pria le soir à deux genoux
avec beaucoup de ferveur et fit un vœu à Notre-Dame des Vertus, la suppliant de
lui faire la grâce le lendemain de prononcer son texte sans faillir en son
élocution. Je sus par Berlinghen que s’il s’endormit aussitôt, il eut en
revanche une nuit fort inquiète et se réveilla à une heure après minuit, tout
en eau. On le dénuda, on le frotta, on le changea de chemise, et enfin il se
rendormit. Quand il se réveilla, il parut d’un seul coup fort résolu.
    Quant à moi, j’augurai bien de son visage calme et ferme,
quand je le vis assis en sa superbe vêture sur son trône fleurdelisé,
adolescent confronté à des dignitaires cyniques, vieillis sous le harnais des
intrigues.
    Je confesse ici que mon cœur battait alors comme celui d’une
mère qui voit son enfant passer devant elle une épreuve redoutable. Et
redoutable, elle l’était, car le silence qui se fit, quand il ouvrit la bouche,
n’était point exempt de malignité. D’aucuns à la Cour, épousant les partialités
de sa mère et des maréchaux d’Ancre, tenaient Louis, ou affectaient de le
tenir, pour un bègue et un idiot. Ces bas courtisans qui murmuraient en
poussant des soupirs apitoyés que par malheur « le roi n’avait pas plus de
sens que de parole » s’attendaient, j’oserais même dire qu’ils espéraient,
qu’il trébuchât sur chaque consonne.
    Ils furent déçus, car ce fut d’une voix claire, nette, haute
et sans bégayer le moindre que Louis prononça ce petit discours dont la
première partie, bien qu’il ne l’eût pas plus rédigée que la seconde, ne
choquait pas, j’en suis sûr, son sentiment intime. On en jugera :
    « Messieurs, étant par la grâce de Dieu, parvenu en
l’âge de majorité, j’ai voulu venir en ce lieu pour vous faire entendre
qu’étant majeur comme je suis, j’entends gouverner mon royaume par bon conseil,
avec piété et justice. J’attends de tous mes sujets le respect et l’obéissance
qui sont dus à la puissance souveraine et à l’autorité royale que Dieu m’a
mises en main. Ils doivent aussi espérer de moi la protection et les grâces
qu’on peut attendre d’un bon roi qui affectionne sur toutes choses leur bien et
repos. Vous entendrez plus amplement quelle est mon intention par ce que vous
dira Monsieur le chancelier. »
    La seconde partie de son discours, plus brève que la
première et qui du reste la démentait, s’adressait à sa mère et je suis bien
assuré que ce ne fut pas cette fois d’un cœur léger que Louis répéta la leçon
apprise, étant devenu, depuis les quatre ans qui s’étaient écoulés après la
mort de son père, très critique à l’égard de la politique suivie par la régente
et aussi fort suspicionneux de son obscur, mais opiniâtre dessein de le tenir
éloigné du pouvoir aussi longtemps qu’elle le pourrait.
    — Madame, lui dit-il en se tournant vers elle, je vous
remercie de tant de peine que vous avez prise pour moi. Je vous prie de
continuer et de gouverner et commander comme vous avez fait par cy-devant. Je
veux et entends que vous soyez obéie en tout et partout et qu’après moi, en mon
absence, vous soyez chef de mon Conseil.
    Je ne saurais dire qui des ministres avait rédigé cela pour
Louis. Mais que ce fût Sillery, ou plutôt comme j’incline à croire, Villeroy,
l’auteur de ce petit discours avait dû savourer l’ironie de dire à la reine que
Louis la voulait « le chef de son Conseil en son absence » alors
qu’elle l’était aussi en sa présence, décidant de tout, ne lui demandant jamais
d’opiner, allant même, à l’occasion d’une querelle avec Condé, jusqu’à lui
commander de se taire…
    Cette solennelle déclaration de majorité dont l’objet
apparent – l’émancipation du roi – allait en fait à l’inverse de son
projet caché, fut en surface infiniment bavarde et saliveuse, donnant lieu à de
longuissimes harangues de la part des

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