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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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furieuse cervelle, dont la moindre
n’était pas de provoquer Eric sur-le-champ et de lui passer mon épée à travers
le corps.
    Mon rival se leva enfin, prit congé de Madame de Lichtenberg
et de moi qu’il espérait bien revoir, dit-il, tant il m’aimait déjà
(Lecteur ! Avez-vous bien ouï cela !) et ma Gräfin, se levant
à son tour, le raccompagna jusqu’à l’huis où ils échangèrent quelques mots à
voix basse, ce qui m’enragea, mais qui ne fut rien à comparaison de ce qui
suivit, car comme ma Gräfin ouvrait l’huis pour le laisser sortir, d’un
air tout à plein naturel Eric la prit dans ses bras et lui baisa les lèvres.
    La porte retomba sur lui avec un claquement qui parut sonner
le glas de mon amour. J’étais sans voix. Je regardai revenir à moi Madame de
Lichtenberg, laquelle me considérait en souriant d’un air innocent et joyeux,
comme s’il ne se fut rien passé dans cette maudite salle dont je pus prendre
quelque offense.
    — Eh bien, mon ami ? dit-elle, laissant
transparaître dans tout son être l’infernale méchantise dont elle était
habitée, comment trouvez-vous mon Eric ?
    Je n’eus pas le temps de lui répondre et de décharger ma
bile contre ce traîtreux serpent à tête de femme : On toqua à l’huis et la Gräfin criant : « Entrez ! » Herr Von Beck apparut
et dit :
    — Excusez-moi, Madame, Monsieur le comte a laissé ses
gants ici.
    — Ils sont encore sur sa chaire, dit la Gräfin. Prenez-les.
    Je retrouvai ma voix et repris quelque peu mes esprits, dès
que Von Beck fut sorti.
    — Eh quoi ! Madame ! dis-je. Eric serait-il
comte ? Mais vous l’avez appelé devant moi Eric Von Lichtenberg !
    — Est-ce incompatible ? dit-elle en haussant le
sourcil avec un air de malice. Et n’est-il pas coutumier en France, comme dans
le Palatinat et autres pays chrétiens, que le fils aîné succède à son père en
tous ses titres et capacités ?
    — Ah ! Cruelle ! m’écriai-je. Vous m’avez
joué ! Dans votre billet, vous l’appeliez votre
« parent » !
    — Eh bien, dit-elle d’un air railleur et tendre, mon
fils n’est-il pas mon parent ?
    — Votre fils ! Madame ! Votre fils !
N’auriez-vous pas dû me le dire de prime ? Et n’est-ce pas là le plus
méchant petit tour qu’on puisse jouer à un homme épris ?
    — C’est vrai, dit-elle avec un sourire un peu triste,
mais considérez toutefois, mon Pierre, que vos affres ont duré à peine dix
minutes et les miennes, deux mois et dix jours. Vous y gagnez encore. De grâce,
pardonnez-moi cette petite chatonie. Après tout ce que j’ai pâti dans mon cœur
et en mon imaginative pendant votre longue absence, cela m’a fait du bien de
vous faire un peu de mal…

 
CHAPITRE XI
    — Du diantre si je sais à quoi vont servir ces états
généraux, me dit mon père le jour où il fut élu – et point du tout à son
corps défendant – député de la noblesse pour le bailliage de
Montfort-l’Amaury. Les Grands ne les ont réclamés à tue-tête que pour couvrir
leur rapacité du manteau du bien public. Et maintenant qu’ils se sont
raccommodés avec la régente, ils s’en passeraient volontiers. Condé a même
poussé l’impudence jusqu’à offrir à la régente de ne les point tenir :
proposition que les ministres ont aussitôt repoussée, pensant, non sans raison,
que s’ils ne les convoquaient point, Condé ne faillirait pas un jour à en faire
grief à leur gouvernement.
    — Mais les états généraux pourraient rhabiller les
abus, dit La Surie.
    — Crois-tu cela, Miroul ? dit mon père avec un
sourire. Comptes-tu sur la noblesse pour proposer au roi de n’être plus
exemptée d’impôts ? Sur le clergé pour refuser à l’avenir de percevoir la
dîme ? Et sur le tiers état pour renoncer à la vénalité des charges ?
    — Il me semble, dit La Surie, que le tiers état, à tout
le moins, devrait faire quelque effort pour soulager le peuple de sa misère.
    — Il faudrait pour cela, Miroul, que le tiers état
représente le peuple ! Or ses députés sont en grande majorité des
bourgeois bien garnis ayant charges et offices, et en tirant le plus de pécunes
qu’ils peuvent pour se rembourser de les avoir achetés si cher. Tu ne trouveras
pas parmi eux un seul artisan ou un seul paysan ! C’est dire si le peuple
sera bien défendu !
    — Mais alors, Monsieur le Député de la noblesse, dit La
Surie, que feront ces trois ordres ?
    — Ils

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