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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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croire
absolument là-dessus, Louis étant, dès l’enfance, bon observateur des gens qui
l’entouraient, bon juge aussi, méfiant et perspicace, ayant bon nez et bonne
ouïe pour débusquer les propos flatteurs, menteurs et captieux, et d’un mot,
tout de gob, les arquebusant.
    C’est ainsi qu’un jour, à Plessis-lès-Tours (je dirai plus
loin pourquoi il s’y plaisait tant), alors qu’il chassait à cheval au lièvre,
il demanda à Monsieur du Fay quelle heure il était, et celui-ci répondant qu’il
n’était qu’une heure, Louis sourcilla et rebuffa aussitôt le courtisan trop
habile.
    — Vous me dites qu’il n’est qu’une heure pour ne point
rompre mon plaisir. Mais en réalité, il y a bien plus d’une demi-heure quelle
est sonnée, et je m’en veux aller : il faut que je sois à deux heures au
Conseil.
    Plessis-lès-Tours n’est qu’à une demi-heure de carrosse de
Tours, tant est que Louis pouvait, s’il le désirait, s’y rendre deux fois par
jour, et de Plessis il aimait tout : le parc, la garenne et le château,
lequel, ultime séjour en ce monde de Louis XI, était petit, rustique et
rassurant, et pour ces raisons mêmes ne pouvait que plaire à ce garcelet, qui
eût aimé, s’il l’avait pu, loin des dorures et des palais, vivre à la dure
comme un soldat, son père demeurant pour lui le parangon de toutes les vertus.
    À ce sujet, je me souviens avoir chaudement disputé avec La
Surie, lequel prétendait que Luynes s’était substitué comme modèle à notre
Henri dans l’esprit de son fils, ce que je décroyais tout à trac, pensant que
l’image de ce grand roi demeurerait à jamais imprimée dans la mémoire et le
cœur de Louis. Je m’en rapportai au marquis de Siorac qui, en cette dispute, me
donna raison, ajoutant ces paroles mémorables : « Miroul, tu erres du
tout au tout. Il n’est que de voir Luynes avec Louis pour entendre ce qu’il est
pour lui : non point le père, mais la mère qu’il eût voulu avoir :
douce, patiente, affectionnée. »
    À l’heure où Marie sans avoir combattu courbait le genou devant
les Princes, leur accordant la plus grande partie de leurs demandes et à coup
sûr la plus humiliante, comme la présidence du Conseil du roi, et la signature
des décrets donnée à Condé, Louis, lui, à Plessis-lès-Tours, construisait un
fort, et pendant plus de dix jours, y travailla avec un extraordinaire
acharnement.
    Il est vrai que c’était un fort bâti par des levées de
terre, que ses créneaux, taillés dans la glèbe, s’effritaient sous la pluie,
que les petits canons qui les garnissaient avaient été traînés non par des
chevaux, mais par des chiens, et qu’ils tiraient d’inoffensives fusées.
Toutefois, c’était un ouvrage bien conçu et bien dessiné, dont Louis était à la
fois l’architecte, le maître d’œuvre, le contremaître, l’un des ouvriers, et
quand il fut achevé, à la fois le capitaine et le soldat, y ayant travaillé du
matin au soir sans relâche, qu’il fît chaud ou qu’il plût, car ce mois d’avril
passait d’une heure à l’autre de l’été à l’hiver. Voyant un jour la grêle lui
tomber sus, Héroard courut lui mettre un manteau sur les épaules, mais Louis,
sentant que cette vêture l’embarrassait pour travailler, la rejeta presque
aussitôt.
    Un autre jour, un de ses chiens, qui traînait un de ses
petits canons, fit quelque difficulté pour passer sur une planche le fossé du
fort. Louis le battit, puis lui ayant laissé, après la correction, le temps de
réfléchir, le reprit en main : cette fois le chien passa la planche sans
tant languir. Louis alors se tourna vers les assistants et dit avec le dernier
sérieux :
    — Voilà comme il faut traiter les opiniâtres et les
méchants…
    Après quoi, il caressa le chien, lui donna un biscuit et
dit :
    — Et récompenser les bons, les hommes aussi bien que
les chiens.
    À ouïr ce propos, ceux qui se trouvaient là détournèrent ou
baissèrent les yeux, leur langue tout soudain se gelant dans le clos de leurs
dents. Il n’échappait à personne qu’il y avait, en ces très pauvres heures du
royaume de France, grande disette de bons qu’on ne récompensait point, et
grande abondance de méchants que l’on récompensait au lieu de les punir.
     
    *
    * *
     
    J’aimerais revenir sur cette question des visites
protocolaires que le roi faisait à la reine-mère, et dont j’ai déjà parlé, mais
en courant. En tant que

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