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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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été, comme on le prétend,
« véritable », sa rédaction n’eût pas été nécessaire… En fait,
ajouta-t-il au bout d’un moment, je suis prêt à gager une fortune que c’est
Marie elle-même qui a dicté ce document.
    — Qu’est-ce qui vous donne à penser cela ?
    — C’est que dans ce compte rendu, Anne d’Autriche est
appelée la « petite reine » et Marie, la « reine ». Or,
Anne d’Autriche est d’ores en avant la reine et Marie, la reine-mère.
Mais c’est naturellement un titre que Marie répugne à se donner à elle-même,
tout autant que votre bonne marraine à s’appeler la duchesse douairière de
Guise.
    C’était finement pensé. J’eus l’occasion, peu après, de me
trouver au bec à bec avec Héroard et tant la chose me travaillait, de lui poser
la question à brûle-pourpoint. Et la question dut, en effet, le brûler quelque
peu, car il rougit et détourna la tête.
    — Il a avoué, dit-il sotto voce, l’avoir fait
deux fois…
    — Et qu’en pensez-vous ?
    — Il y paraissait. Le guillery était rouge.
    — Cela prouve qu’il y a eu essai, mais non succès.
    À cette remarque il n’y eut pas de réponse. Héroard me jeta
un œil froidureux et réprobateur et me tourna le dos.
    Il y avait donc deux vérités : celle qui était
officielle et l’autre.
    Ni la mine, ni l’humeur, ni la santé de Louis ne
s’améliorèrent après l’exploit qu’on lui avait prêté.
    Il poursuivit le deuil de sa sœur, et continua à ne pas
avoir assez faim le matin pour déjeuner, à se plaindre de la tête et des
différents maux qui l’avaient affligé depuis le parlement de Madame. Deux
fois par jour, il faisait une visite protocolaire à la reine sa mère et une
fois par jour à la reine son épouse. Entre-temps, il chassait. Il tirait à
l’arquebuse. Il jouait à la paume, il cuisait des œufmeslettes ou des
confitures, et il se livrait aussi à ses amusements d’enfant, comme si sa vie
d’adulte ne devait jamais commencer. Et pendant ce long temps où seul son corps
grandissait, la nuit du vingt-deux décembre demeura en sa remembrance –
comme assurément dans celle de la pauvre Anne d’Autriche – un souvenir
excessivement blessant et déplaisant.
    La Cour pensait ce qu’elle voulait, et peu importait, de
reste, puisque les bouches restaient closes. Les faits, en tout cas, étaient
là, démentant le compte rendu « véritable » de la reine-mère :
il s’écoula quatre ans avant que Louis partageât à nouveau la couche de la
reine.

 
CHAPITRE XIII
    Pour Marie, la matrimonie était l’alpha et l’oméga de sa
politique. Ayant marié son fils à l’infante Anne et sa fille au prince des
Asturies, Marie de Médicis s’estima aussi comblée qu’une bourgeoise de Florence
qui a moyenné de beaux partis à ses enfants.
    Au-delà elle ne voyait rien, et pas même la nécessité
d’utiliser à la parfin les deux puissantes armées qu’elle avait levées pour
châtier la rébellion des Princes.
    De toutes ses forces, la favorite poussait Marie à traiter,
c’est-à-dire à baisser pavillon, alors qu’elle était la plus forte. Rien ne
paraissait plus naturel à la Conchine, sangsue accrochée depuis quinze ans au
corps de la France, que de racheter à nouveau la fidélité des Grands par des
pécunes puisées dans un trésor qu’elle ne se souciait guère elle-même de mettre
à sac.
    Elle n’eut pas à presser beaucoup la reine. Son indolence et
son peu de jugement poussaient Marie sur la pente de la facilité. Il ne lui
venait même pas dedans l’esprit qu’à récompenser à chaque fois les rebelles par
des sommes énormes, elle perpétuait leur révolte.
    Quand au cours du voyage d’aller, la gratelle, à Poitiers,
s’était abattue sur Marie, boursouflant son corps de cloques, la Conchine avait
enduit jour et nuit ses membres d’un onguent fourni par le médecin Montalto, et
grâce à ses soins patients, l’avait guérie. Ce faisant, et sa langue marchant
aussi adroitement que ses mains, elle avait ressaisi la volonté de la reine, et
en était redevenue la maîtresse.
    Ma belle lectrice se ramentoit sans doute qu’au départ de Paris,
la reine et sa dame d’honneur étaient brouillées, la raison en étant que le
maréchal d’Ancre s’était prononcé pour la surséance des mariages espagnols.
C’était toucher au saint des saints, et pour une fois son impudence avait été
punie : la reine l’avait exilé à Amiens, bonne

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