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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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trouvais la petite reine assez jolie. Et j’aimais la petite
flamme de coquetterie et de gaîté qui par moments faisait briller ses beaux
yeux vifs et entrouvrait ses lèvres. Je ne suis pas certain non plus que Louis
y fût insensible, lui qui serrait Madame si tendrement contre sa
poitrine. S’il ne la voyait pas plus longtemps, c’est sans doute que sa vue
ranimait en lui la remembrance d’un échec humiliant. Mais c’est surtout qu’il
tenait en très grande horreur et détestation son entourage féminin.
    C’est lui qui achevait de tout perdre. Au moment de
l’échange des princesses, il avait été convenu entre la France et l’Espagne que
la suite de chacune des futures reines ne comprendrait pas plus de trente
femmes, originaires de son pays. Le camp français observa cette limite ;
elle ne fut pas respectée du côté espagnol. Quand Anne d’Autriche arriva à
Bordeaux, on s’aperçut qu’une bonne centaine de dames composait sa maison.
    On eût mieux fait d’appliquer à la lettre les conventions et
de renvoyer incontinent les deux tiers de cette suite à Burgos. Mais là aussi,
la pusillanimité prévalut. On craignit d’offenser un beau-père aussi puissant
que Philippe III, et on décida de garder en France les donzelles superfétatoires.
    On s’en mordit les doigts au sang. Il y eut d’abord un grand
rompement de tête à les loger toutes et en voyage et à Paris, car semblables
aux abeilles agglutinées autour de leur reine, elles voulaient toutes demeurer
collées à leur petite souveraine et poussaient des cris d’orfraie dès lors que
pour la commodité on venait à les en séparer pour les loger ailleurs.
    Il y eut pis. Filles nobles et pour la plupart, jeunes,
elles avaient été en leur pays dressées à la discipline et à l’étiquette rigoureuses
des Habsbourg d’Espagne. Et se trouvant tout soudain en France et comme
libérées de ces contraintes, elles se crurent tout permis et donnèrent libre
cours à leur exubérance, jacassant comme pies, riant comme harengères, faisant
mille farces, ne respectant rien ni personne.
    D’aucunes même, plus effrontées que les pires de nos
pages – et ce n’est pas peu dire –, se livrèrent à la Cour de France
à de petites chatonies, à des voleries, à de pendables tours. À Blois, elles
osèrent dérober dans la cage royale une fort jolie linotte que le roi aimait,
la trouvant « extrêmement bonne », et ce qu’elles en firent, nul ne
le sut jamais, car on ne la retrouva pas.
    Ce fut l’occasion chez Louis d’une belle colère, mais plus
grande encore, celle qui éclata le jour où ces mêmes diablesses, rôdant dans le
Louvre, entrèrent dans la chambre de Doundoun, y trouvèrent les coffres de sa
fille Louise, et sans aller jusqu’à les piller, ôtèrent et emportèrent les
clefs, que Louise avait laissées sur les serrures.
    Le roi, dès le lendemain, alla de sa main fermer ces pies
voleuses en leur volière et les y laissa piailler toute une journée.
    Pour comble d’impudentes façons, quand nous suivions Louis
dans les appartements de la reine, les friponnes n’avaient d’yeux que pour les
officiers de Sa Majesté, et n’y mettant pas la moindre pudeur, chuchotaient et
riaient derrière leurs éventails, balançaient leurs larges hanches et nous
jetaient de leurs beaux yeux sombres des œillades assassines. Ces manières
déplaisaient fort à Louis. Et le grand chambellan, vieux Français à l’ancienne
mode qui parlait le rude langage de nos pères, dut faire expresse défense aux
officiers du roi de mettre « fût-ce le bout du pied, du nez ou du
guillery » dans le gynécée hispanique.
    Outre que la pudibonderie royale se hérissait devant ces
conduites dévergognées, Louis y voyait, au surplus, quelque mépris pour la
France. Il se peut qu’il ne se trompât pas tout à plein. Car il y avait entre
les deux nations une si longue tradition d’antipathie et de déprisement qu’un
double mariage ne pouvait incontinent l’abolir, ni même l’atténuer.
    Le roi, en ses brèves visites, ne faillait pas à reprocher à
Anne d’Autriche les petites turlupinades de ses dames d’atour, lesquelles son
épouse ne prenait pas autant au sérieux qu’il l’eût voulu, étant de son naturel
gaie, vive et même un peu follette. Étant si grave, quant à lui, et si sérieux
même dans ses amusements (cela n’avait pas laissé de me frapper quand il
construisit son fort à Plessis-lès-Tours), il

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