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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ville dont il était le
gouverneur et qui le détestait. Quant à la Conchine, qui de force forcée avait
voulu suivre Sa Majesté en Guyenne, celle-ci l’avait soumise sur le chemin à
des rebuffades que la Conchine avait essuyées, les yeux alternativement baissés
ou levés au ciel, avec d’humbles soupirs.
    Ces temps-là n’étaient plus. La gratelle avait tout changé.
À Tours où, sur le chemin de Paris, on s’arrêta trois longs mois (à mon grand
dol, on sait pourquoi) à seule fin de traiter avec les traîtres et de les
couvrir d’écus, le pouvoir de la Conchine sur sa maîtresse était redevenu
absolu.
    La Cour ne laissait pas que de s’en inquiéter. Car il y
avait fort à parier qu’avec la démesure, la folle imprudence et le peu de
vergogne qui avaient caractérisé les conduites des maréchaux d’Ancre depuis
leur arrivée en France, ils n’allaient pas tarder à abuser de cette exorbitante
faveur.
    Ce docteur-médecin Montalto, à qui ma soubrette Louison,
dans mon appartement du Louvre, n’avait point voulu servir à boire parce qu’il
était juif (La Barge la suppléant très à contrecœur), s’était entremis pour que
je fusse reçu par la Conchine, on s’en souvient, au moment où je faisais flèche
de tout bois pour qu’il fût permis à Madame de Lichtenberg de revenir s’établir
en Paris. Il m’avait paru alors homme de sens et de savoir, d’entretien
plaisant et qui plus est, peu avide, car il avait refusé que je lui graissasse
le poignet pour le service qu’il me rendait. Médecin attitré de la Conchine,
laquelle était accablée et comme tordue par des maux innumérables, la curation
par son onguent miraculeux de la gratelle royale lui avait valu de devenir
aussi celui de Sa Majesté. Mais il ne jouit pas longtemps de son
élévation ; à peine fûmes-nous, en ce voyage de retour, arrêtés à Tours,
qu’il passa subitement de vie à trépas.
    « On ne sait plus à qui se fier, fit observer La Surie
à cette occasion. Même les médecins meurent. » Pour moi, je me fis, un an
plus tard, cette réflexion que le pauvre Montalto fut fort avisé de mourir
alors, car il eût été sans nul doute englobé dans le destin cruel de la
Conchine, et étant juif, on lui eût imputé à magie et à sorcellerie le succès
de ses médecines.
    La raison pour laquelle la caravane royale s’arrêta à Tours,
c’est qu’on avait élu pour site de la négociation avec les Princes la petite
ville de Loudun, qui n’était distante que de dix-sept lieues de Tours, le grand
chemin qui menait de l’une à l’autre étant en bon état, et il fallait qu’il le
fût, car les envoyés du roi y jouèrent souvent de la navette pour porter qui-cy
les propositions des Princes et qui-là les contrepropositions royales.
    On eût cru, à l’exorbitance de leurs demandes, que les
Princes avaient taillé des croupières aux armées royales. On eût pensé, à voir
la reine-mère leur bailler tout, quelle n’avait plus un seul soldat vaillant.
Condé, en échange du gouvernement de Guyenne, reçut le gouvernement du Berry,
la ville et le château de Chinon, la ville et la tour de Bourges, et un million
cinq cent mille livres. Les autres Grands se partagèrent six millions.
    Par une bien compréhensible vergogne, les Princes avaient
exigé que ces clauses, qui sentaient le sordide, fussent tenues secrètes. Car,
fort soucieux de se concilier l’opinion et le Parlement, ils n’aspiraient, à ouïr
leurs propos, qu’au bien public et à la plus grande gloire et prospérité d’un
royaume dont ils venaient en tapinois d’assécher une fois de plus le trésor.
    Le sotto voce sur leurs demandes d’argent se muait,
en fait, en clameurs stridentes pour réclamer à cor et à cri que les
remontrances du Parlement fussent examinées, que le roi accordât l’article
premier du Tiers, que les anciennes alliances fussent maintenues, que le
concile de Trente ne fût pas reçu et que le prince de Condé fût chef du Conseil
de Sa Majesté et signât tous les décrets.
    J’ai gardé pour la bonne bouche la plus inouïe de ces
requêtes et celle qui, une fois qu’on l’eut accordée, eut sur les événements
les plus graves conséquences : les Princes demandèrent qu’on retirât au
maréchal d’Ancre la ville d’Amiens.
    C’eût été une mesure excellente, si elle avait été dictée
par l’intérêt de la nation, l’opinion générale étant que Marie avait été bien
aveugle de confier à

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